Par Salomé B.
Épisode 16 : La tuile
La tuile fut ramenée dans la région par les Romains durant la période gallo-romaine. L'on sait que la tuile a disparu au cours du Moyen-Âge pendant un certain temps. Son utilisation restait rare au profit du chaume qui était une couverture peu coûteuse et facile à mettre en place. Malheureusement elle recelait aussi plusieurs défauts notamment celui de se consumer facilement et surtout de répandre rapidement les incendies. Pour cela, beaucoup de bourgs tentèrent tant bien que mal d'interdire le chaume dans les centres de villes et villages. Mais installer une couverture en tuiles signifiait pour les habitants l'obligation de remplacer la charpente par une autre plus solide, plus droite et qui était donc beaucoup plus coûteuse. Sa fabrication était donc artisanale et elle ne couvrait que les bâtiments les plus prestigieux.
La peur des incendies, la conjoncture économique florissante du XIXe siècle et l'amélioration des techniques et des moyens conduisent les tuileries à se développer et prendre leur essor jusqu'au XXe siècle. Ainsi, peu à peu, l'omniprésence du chaume qui était au cours du Moyen-Âge la couverture privilégiée par les Flamands tend à être remplacée par l'utilisation de la tuile. Sa fabrication de manière industrielle démocratise largement la tuile auprès des Flamands.
Les premières tuileries étaient en fait des poteries puisque la matière première est la même. La Flandre est parfaite pour ce genre d'industrie : en effet notre sous-sol recèle à foison de l'élément premier servant à la fabrication de la tuile. Il s'agit bien entendu de l'argile, plus particulièrement de l'argile ypresienne. On retrouve ces couches ypresiennes en particulier sur les collines qui séparent la Flandre intérieure de la Flandre maritime ou de l'Artois, par exemple au niveau des villes de Watten, Saint-Momelin ou encore Nieurlet.
En Flandre, la tuile est colorée comme les boiseries des maisons. Elle peut être de couleur orangée quand elle est simple (c'est la plus courante encore aujourd'hui) ou de couleur noire violacée quand elle est vernie (elle avait l'avantage d'être moins poreuse car émaillée et subissait donc moins les affres du temps). Elle a généralement, et pour les plus anciennes, une forme de S quand on regarde la tranche, c'est un modèle qui se répand au cours du XVe siècle. On l'appelle alors « panne creuse ». Mais les modèles sont innombrables, les tuiles ayant été pendant longtemps moulées à la main elles n'étaient donc pas uniformes. Elles peuvent être plus ou moins creuses et plus ou moins larges.
On parle de tuile droitière quand le bourrelet se situe à droite, mais le vent (qui vient de l'Ouest) a tendance à soulever ces pannes. Pour palier ce problème on fabriquait plus rarement des tuiles gauchères que l'on utilisait selon l'orientation du bâtiment sur l'un des pans de toit. Sa facilité d'exécution et son esthétique sont ses principales qualités mais la tuile a pour défaut de ne pas être totalement étanche. Son pire ennemi est la neige poudreuse qui s'infiltre dans les interstices.
Épisode 17 : Les lucarnes
En Flandre, les parties situées sous le toit n'étaient pas aménagées pour y vivre. Les lucarnes et autres fenêtres étaient donc rare, surtout à la campagne. Seules quelques petites alcôves étaient parfois présentes quand les valets de ferme ou les jeunes personnes travaillant à la maison y dormaient. Elles se situaient contre les pignons et permettaient de laisser entrer la lumière.
Cette partie de grenier servait plutôt à entreposer les grains et récoltes en tout genre afin de les protéger des brusques changements de température. On rencontrait donc le plus souvent une porte située à l'orée du toit, afin d'y faire passer les énormes sacs de grains et les y entreposer plus facilement.
Ce n'est qu'une fois que les maisons se sont agrandies et que les combles ont commencées à être aménagées que l'utilisation des lucarnes s'est répandue. Elles étaient présentes auparavant dans les maisons plus cossues et en ville. A partir de là, on rencontre plusieurs modèles différents de lucarnes. Les plus simples sont tout simplement obtenues en modifiant légèrement et en adoucissant la pente de toit. Les côtes de la lucarne peuvent alors être en planches. Une règle toujours suivie, peu importe le type de lucarne, consiste à ce que la fenêtre soit toujours plus haute que large (comme pour les fenêtres de façade). Elle vient en aplomb du mur de façade. Ce type de lucarne se retrouve sur les toitures en tuiles mais également sur les toits de chaume. Dans ce cas, la lucarne sera soit elle-même recouverte de chaume ou peut également rester couverte de simples tuiles. Si le chaume est utilisé, il recouvre non seulement le haut de la lucane mais aussi les joues (les côtes) de la lucarne. Il s'agit du seul type de lucarne utilisé dans les chaumières en Flandre.
Sur les couvertures en tuiles, les lucarnes peuvent être plus élaborées. La plupart du temps, les lucarnes ont une couverture à deux pans (on les nomme alors, souvent à tort, des chiens assis). La construction et les règles de bâti de ces lucarnes sont les mêmes que pour le modèle précèdent : une position en aplomb de la façade, une fenêtre plus haute que large et des dimensions proportionnées à la surface de la toiture. Les joues de ce type de lucarne sont également en bois ou maçonnées de briques. Il existe également des lucarnes avec une toiture à trois pans, la fenêtre se fond alors mieux dans la toiture mais elle est plus compliquée à mettre en place.
Dans certains cas, la maçonnerie en briques qui entoure la fenêtre (on parle de maçonnerie d'entourage) peut se terminer au-dessus de la lucarne en pas-de-moineaux (à escaliers), que l'on retrouve généralement sur des maisons plus cossues.
Ce sont sur les toits mansardés que les lucarnes sont les plus nombreuses, elles sont de plus petites dimensions et possèdent également un grand nombre de variations possibles. On utilise majoritairement pour leur construction du bois mais aussi du zinc.
Épisode 18 : Le auvent
Le bâti flamand s'adapte parfaitement à la région et sa météo. Le toit dispose d'une pente qui varie entre 45 et 60° et est au moins aussi haut que la façade. Cette pente forte permet d'évacuer l'eau qui est en Flandre abondante mais pas aussi torrentielle que peuvent l'être les intempéries dans le Sud par exemple. La pluie est fouettée par le vent et le toit aux grandes dimensions protège largement la maison.
Jadis, les bâtiments ne disposaient pas de gouttières. Aussi afin d'augmenter la protection des intempéries, les bâtisseurs ajoutaient au toit une avancée de toit appelée « auvent ». Ces avancées représentent environ une soixantaine de centimètres mais peut varier entre 3 rangées de tuiles à 4 rangées voire plus. Elles permettent de rejeter l'eau de pluie a quelques distances de la façade, souvent sur le trottoir en brique qui longeait la façade. Ainsi, la pluie ne dégoulinait pas le long des façades et évitait les infiltrations. Le auvent a une pente inférieur au reste de la toiture, c'est à cela qu'on le reconnaît aisément. Il créé alors une légère cassure dans la pente de toit qui ne doit pas être trop prononcée non plus pour éviter que l'eau ne s'infiltre par là. Ainsi, non seulement l'eau est rejetée loin des murs, mais en plus la taille du auvent était étudiée pour ne pas faire d'ombre aux fenêtres.
Les bâtiments couverts de chaume disposent également de cet auvent qui n'est alors pas recouvert en gardant les tuiles en bas de toiture. C'est une particularité propre aux chaumières flamandes. Auparavant, ce détail n'était pas systématique puisque, comme énoncé dans l'épisode sur la tuile, elles étaient assez coûteuse au contraire de la couverture en chaume.
Le auvent est soutenu par des pièces de bois horizontales et perpendiculaires à la toiture appelées « corbeaux ». Fins et ornés de courbes, ils sont fichés solidement dans le mur. Si l'on se place dessous, on peut voir sur une maison typique l'envers des tuiles.
Aujourd'hui ces auvents disparaissent fréquemment. Ils demandent un savoir-faire supplémentaire étant donné que tout l'art du auvent est de ne pas avoir une pente trop prononcée et une bonne longueur pas non plus trop avancée. On préfère aujourd'hui se limiter à l'installation d'une simple gouttière. Mais ces dernières ne protègent pas autant les murs de la pluie, le auvent reste la solution la plus adaptée. L'avancée est parfois encore ajoutée lors de la construction mais sans la cassure significative et caractéristique de la maison flamande. Elle perd alors de son cachet.
Épisode 19 : Les cheminées
La cheminée était auparavant l'élément central de la maison. Les chaumières étaient construites autour de cet élément qui était le premier bâti. Si vous trouvez une chaumière en ruines, la seule partie qui en subsiste est généralement la cheminée, unique endroit de la demeure construit en briques avec le soubassement.
La cheminée en Flandre est restée simple, tout comme celles des premiers siècles. L'âtre se trouve situé au centre de la maison, dans l'unique pièce qui ensuite se divise en deux de part et d'autre de la cheminée dont l'âtre devient alors double. Les Flamands ont simplement amélioré la sortie de fumée en la dirigeant au mieux par un conduit vertical qui perce un trou dans le faîtage du toit (le faîte du toit en est le sommet, la partie la plus élevée qui termine la toiture). La partie extérieure de la cheminée, située sur le toit, s'appelle la souche. Ce large conduit vertical en briques pouvait parfois être en torchis ou même en bois. Seul l'âtre était toujours en briques, les flammes ne dépassant normalement jamais la hauteur du foyer mais il fallait, bien entendu, rester prudent.
Autrefois au centre de la maison, les cheminées et leurs âtres ne sont déplacés contre les pignons que lorsque ces derniers furent construits en briques et que l'on aménagea un couloir au centre de la maison qui distribuait vers les différentes pièces. Cela avait pour avantage lors de la construction d'économiser les briques utilisées pour la construction de la cheminée puisqu'elle était désormais collée au pignon construit dans le même matériau. La construction s'achevait également plus vite. Le conduit sort toujours tout en haut du pignon, au plus haut du toit. Mais l'âtre se trouve souvent décentré par rapport à l'axe du pignon et de ce fait, deux âtres peuvent aboutir à un même conduit.
Deux types d'êtres sont présents en Flandre :
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Les plus grandes d'entre elles étaient les premières à apparaître. Leur largeur atteint facilement les 2 mètres voire même plus, leur hauteur est de l'ordre de 1.70 mètre avec relativement peu de profondeur (0.75 m). L'arrière de la cheminée, soit le mur de pignon, soit le mur de séparation des deux pièces, est vertical en se prolongeant en un conduit qui peut être multiple. Le feu brûle au niveau du sol et contre le mur, une petite parcelle est recouverte de carrelages en terre cuite afin de protéger le mur de briques là où la chaleur est la plus intense. Le linteau de cheminée est constitué d'une grosse poutre en bois sur laquelle repose la hotte. Ce linteau est souvent décoré d'une planche potière.
Ce type de cheminée pouvait avoir d'autres fonctions en étant rattaché par exemple au four à pain, sa taille permettant aisément de lui rattacher d'autres éléments.
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Le deuxième type de cheminée en Flandre est lié à la démocratisation des cheminées de maisons plus bourgeoises et de villes. Le principe reste le même que le type plus ancien avec un foyer au sol, une hotte verticale et un âtre adossé au mur. Pour autant, celle-ci est marquée par des dimensions plus petites, empêchant donc de l'utiliser pour autre chose que pour chauffer la maison (1 mètre de large pour 80 cm de hauteur et toujours la même profondeur). Ici, le foyer est agrémenté d'un véritable manteau de cheminée, souvent en bois mais dans les maisons plus cossues il peut être en pierre ou en marbre. Ces cheminées présentent souvent un décor de lambris et sont accompagnées de deux grands placards de chaque côté.
A l'extérieur, ce n'est pas le conduit qui est saillant et visible mais bien la souche, qui dépasse du faîte d'environ 1 mètre en général, en principe de forme rectangulaire. La souche n'est marquée que par l'avant dernier lit de briques saillantes (2 cm environ) sur tout le pourtour, cassant sa monotonie. Encore une fois, et comme habituellement dans les constructions flamandes, cette fantaisie a également une fonction : éviter que l'eau de pluie ne ruisselle le long des briques et soit rejetée à quelques centimètres sur la toiture. Cette souche joue un véritable rôle esthétique dans l'harmonie générale de la maison. Il arrivait même autrefois que certains ajoutent de fausses cheminées.
La cheminée et les conduits anciens ont vu leur utilité peu à peu disparaître avec l'apparition du poêle à charbon à la fin du XIXe siècle et le chauffage électrique à la fin du XXe siècle. Aujourd'hui il arrive même qu'elle soit bouchée et que la souche soit supprimée, une erreur qui enlève la beauté et l'harmonie de la maison.
Épisode 20 : Les bankjes
Parmi tous les détails architecturaux vu précédemment au cours de cette série numérique, les bankjes sont certainement les moins connus. Même lors de la construction de maisons ou bâtiments cherchant à se rapprocher des modes de constructions anciens ou du style flamand, ce détail est délaissé.
Nous l'avons déjà vu à travers plusieurs exemples auparavant : que ce soit par la disposition et l'orientation de la maison ou encore les wambergues, le bâtiment flamand s'adapte à son environnement et notamment au vent, très présent dans notre région. Les bankjes font partis des adaptations que les Flamands ont mis en place face à ce phénomène climatique.
Les bankjes se présentent sous la forme d'un alignement de briques maçonnées au niveau de la faîtière (le faîte du toit est l'extrémité supérieure du toit) juste sous les tuiles. Cette opération a pour objectif de lester la faîtière pour éviter que le vent ne s'engouffre sous la faîtière et que celle-ci ne s'envole. Ce travail compliqué et long à mettre en place était indispensable du fait de la forme typique des tuiles : la forme creuse de la tuile flamande l'empêche de s'adapter parfaitement à la forme longiligne de la faîtière. De ce fait, le maçon devait combler le vide entre la tuile et la faîtière en y calant deux petits morceaux de tuiles, puis aligner les briques sur cette surface arrondie grâce au mortier.
Bien sûr, même si la technique est la même partout en Flandre, la manière de procéder peut varier selon les secteurs. Ainsi, ces bankjes peuvent prendre différentes formes, parfois plus esthétiques que d'autres. Il arrivait que les maçons se contentent de lester les faîtières les plus exposées au vent. On peut voir alors à certains endroits du faîte de toit une demie brique posée au-dessus d'une brique entière, de la même manière il arrive que l'on maçonne des briques sur les tuiles de rives (à l'extrémité de la faîtière). Cette méthode est utilisée partout en Flandre mais semblait plus répandue dans les villages aux abords de l‘Audomarois et en Vallée de la Lys. Il peut également arriver de rencontrer des bankjes très travaillés et à l'esthétisme poussé (vous pouvez en voir notamment dans le village de Herzeele).