YSER HOUCK Pour le patrimoine flamand

Septième Thème : L’architecture et les détails religieux

Abordons ensemble les détails architecturaux liés à la piété des Flamands.

Épisode 38 : Les niches

La religion chrétienne a toujours tenu une place très importante dans le cœur des Flamands. La Flandre est l'une des régions les plus pourvues en chapelles, niches et calvaires, démontrant au passage la dévotion de ses habitants. Le culte de ces chapelles rustiques dérive de pratiques païennes liées à la religion des peuplades germaniques qui ont colonisé la Flandre au temps de la Gaule. Peu d'informations nous sont parvenues sur cette religion mais l'on sait qu'ils vénéraient les forces de la Nature, à travers des idoles accrochées aux arbres sacrés ou en rendant hommage aux sources. Ce sont les évangélisateurs qui modifié ces coutumes au cours du Moyen-Âge en préconisant de remplacer les idoles par des images du vrai dieu. Plutôt que de rendre hommage aux divinités païennes, on invoquait désormais la Vierge ou les Saints pour se libérer des maux ou se protéger soi, sa famille et le bétail. Ainsi, ces traditions se sont perpétuées par l'usage des niches accrochées aux arbres par exemple (particulièrement présentes dans le Houtland). Les niches sont les édifices religieux les plus modestes. Pour autant, elles sont également les plus répandues.

Les niches sont particulièrement présentes dans notre Flandre car elles sont simples à construire et à accrocher. Anciennement, il était de tradition de les suspendre aux arbres aux carrefours des chemins. Puis les habitants ont intégré directement ces petites chapelles rustiques dans la maçonnerie de leur maison : leur offrant une place de choix directement chez eux, le plus souvent dans les pignons de maisons. Leur taille, toujours modeste, et leur forme peut varier : surmontées d’une croix de brique colorée, arrondie, en ogive … Elles sont fermées par une vitre ou une petite grille qui protège leur contenu.

A l'intérieur, une simple statue du saint invoqué, le plus souvent de la Vierge. Le culte marial est très présent en Flandre depuis l'aube de son évangélisation.

Malheureusement, lors de rachat de propriétés, certaines ne sont plus entretenues et se retrouvent vidées de leur contenu, ou la vitre brisée. Bien qu'il faille respecter les croyances de chacun, ces niches, très nombreuses en Flandre, sont un témoignage important du passé de ce territoire et surtout de la dévotion très personnelle de ses habitants.

Épisode 39 et 40 : Les chapelles

Les chapelles furent construites aux croisées des chemins près des sources à l'entrée des propriétés qu'elles protégeaient, souvent encadrées de tilleuls. Elles sont pour leur quasi totalité privées, voisines d'une ferme ou dans un carrefour et construites sur une minuscule parcelle de terrain. Elles se présentent sous la forme de maisonnettes miniatures avec une toiture à deux pans et surmontées d'une croix. Devant la porte, dont la partie haute est à claire voie, un petit auvent protège le pèlerin de la pluie, à l'intérieur, un autel est adossé au pignon opposé, sur lequel on trouve des statues, des bougies et des vases de fleurs parfois accompagné d'un prie-Dieu. Les murs des chapelles les plus élégantes sont couverts de boiseries peintes ou de motifs colorés au pochoir. Au-dessus de la porte, une inscription, en langue flamande le plus souvent car la pratique religieuse en Flandre fut très liée à celle-ci. Elle précise la raison, la vénération ou le saint lié au sanctuaire. Certaines chapelles et niches sont accompagnées de croix en bois, signe du passage d'un convoi mortuaire devant celle-ci ou de prières.

Leur nombre est très important en Flandre, bien plus que dans les autres régions de France, parfois plus d'une dizaine dans certains villages. Leur présence est une part intégrante de notre paysage flamand et le goût et le temps qui ont été mis à leur construction témoignent de la ferveur de nos ancêtres. Bien qu'ayant une architecture souvent similaire, leur décoration, leur style varie. C'est également le cas des saints qui sont invoqués bien qu'il s'agisse le plus souvent de Marie sous toutes ses appellations. Les raisons de l'érection d'une chapelle sont propre à chacun : pour remercier un saint, pour les morts de la Guerre, pour protéger sa propriété etc.

Malheureusement, beaucoup de chapelles sont aujourd'hui en ruines par manque de moyens ou de soucis d'entretien. L'Association Yser Houck a rénové des dizaines de chapelles depuis sa création. Si vous connaissez des propriétaires en quête de conseils, de mise en œuvre de travaux ou si vous-mêmes vous possédez une chapelle que vous voudriez rénover, n'hésitez pas à nous contacter.

Par sa diversité architecturale, mais aussi par sa pluralité, ce patrimoine parfois qualifié de mineur représente la richesse de nos traditions flamandes. Il n'y a que trois régions en France où l'on trouve une telle densité de chapelles : la Provence, les Alpes et la Flandre.

On y vénère particulièrement la Vierge sous ses appellations diverses mais aussi des saints plus ou moins connus et parfois même n'ayant jamais existé : manifestations de piété, légendes croyances, superstitions …

Combien reste-t-il de ces chapelles aujourd'hui ? L'ouvrage de Joseph Dezitter « Les chapelles rustiques de Flandre » paru initialement en 1949 en comptabilisait plus de 500 dans le territoire des Flandres qui allait de Dunkerque à Gravelines et de Bailleul à Merville. En vérité il en resterait peut-être plus qu'on le pense. Bien que certaines aient été rayées de la carte par vétusté, ou destruction pure et simple, beaucoup de particuliers et d'associations comme Yser Houck mettent tout en œuvre pour conserver et restaurer le maximum de ces chapelles. Sur les 120 communes environ qui constituent ce réseau, chacune d'entre elles possèdent au moins une chapelle, parfois plus d'une dizaine même.

Chaque chapelle possède son histoire, liée à la petite histoire de la famille qui l'a faites construire ou à la grande Histoire de France comme les chapelles liées aux deux grandes guerres. Les saints invoqués témoignent de la réalité et de la vie quotidienne du village où elle était implantée comme saint Roch qui était invoqué pour les épidémies mais qui est aussi le protecteur des animaux (une maladie propagée à cette date dans le village comme la Peste ?).

Les premières chapelles étaient d'abord liées aux saints évangélisateurs (Omer, Vaast, Bertin, Eloi ou encore avant Corneille, Erasme, Druon …). Elles remplacèrent petit à petit les sanctuaires païens appartenant aux premières croyances de nos contrées liées à la Nature, aux arbres et aux cours d'eau.

Les chapelles reliées à Notre-Dame sont encore plus tardives bien qu'aujourd'hui les plus répandues. Sa dévotion s'est particulièrement développée en Flandre au XVIIe siècle après la révolution Protestante qui remettait en cause sa hiérarchie dans la religion chrétienne. Ainsi, son nom est associé à toutes sortes d'appellations et à différents maux. Certaines viennent d'ailleurs, liées aux pèlerinages (comme Notre-Dame de Grâce dont l'origine se trouve à Cambrai). D'autres sont nées dans nos terres comme Notre-Dame des Dunes ou Notre-Dame des Miracles. Puis s'est répandue d'autres appellations plus récentes comme Notre-Dame de Lourdes. Et puis, certaines chapelles portent le nom de Notre-Dame pour laquelle on l'implore : Notre-Dame de Miséricorde, Notre-Dame des Affligés …

Les chapelles, nombreuses dans toute la région du Nord, présentent des particularités architecturales selon leur territoire. Les chapelles de l'Avesnois en pierre bleue du Hainaut, en Artois en pierres blanches, quant aux chapelles flamandes, elles ont la particularité d'être principalement en briques. Leur forme se calque majoritairement sur le plan d'une petite église rectangulaire : trois murs, un toit et un porche abritant la porte et le pèlerin. On pouvait y célébrer la messe. A l'extérieur, la décoration est simple sinon absente avec parfois des pilastres sur la façade ou des vitraux encastrés dans les murs de chaque côté mais plus rarement.

Pourquoi la Flandre a-t-elle conservé ses chapelles avec tant de ferveur contrairement aux autres régions ? Pour comprendre cela, voici un passage du livre de J. Dezitter : « Il est des pays où le fils de paysan ne restaure plus les chapelles bâties par ses aïeux ; la Flandre ne connaît pas cet abandon. Quand la fureur des éléments ou la barbarie des guerres détruisent les oratoires, ses enfants replacent d'une main pieuse les Madonnes souriantes et les saints secourables. La Flandre, en conservant la foi des pères, a gardé sa foi en elle-même. La terre des chapelles est aussi celle des beffrois, la Flandre au fier lion dressé ».

Pour en apprendre plus, je vous conseille le livre de Joseph Dezitter mais également « Nos chapelles » édité par l'ARARCO en 1988 et qui m'a aidé pour écrire ces lignes.

Épisode 41 : Les calvaires

Bien que présents partout en France et pas seulement spécifiques à la Flandre, nous ne pouvions pas aborder le sujet de l'architecture religieuse sans parler de ces édifices : les calvaires. Le mot calvaire provient du mot latin directement tiré du mot araméen « golgotha ».

Le plus souvent rapporté à la seule représentation du Christ crucifié, il peut également être accompagné du bon et du mauvais larron, de la Vierge Marie, de saint Jean, de Marie-Madeleine entre autres.

Comme les représentations de dévotion abordées précédemment : les calvaires sont assez présents en Flandre et pas seulement liés à une église comme c'est le cas dans la plupart des églises dans notre région et en France plus généralement. En effet, beaucoup de calvaires ont été construits en France au XIXe siècle dans le cadre de la « recharge sacrale ». Après la Révolution Française, l'Église ordonna de reconstituer la puissance religieuse en France en passant par les pratiques religieuses, mais aussi les objets et les lieux saints.

Certains jalonnent nos routes et carrefours comme à Lederzeele ou à Steenvoorde.

D'autres privés, sont accessibles à qui les connaît. C'est le cas du calvaire de Oudezeele (cf. photo) : Situé rue des Noix, aucune inscription ne figure sur le monument hormis une date au-dessus du porche, côté intérieur indiquant « 1863 ». Son origine est connue grâce aux archives paroissiales. Ce calvaire a été érigé en 1862 sur une terre léguée à la Paroisse (la Fabrique de la Paroisse pour être plus précis, qui est l'institution financière de gestion des biens de la Paroisse). Ce sont les Pères du Mont des Cats qui se sont chargés de sa construction en utilisant des pierres ferrugineuses provenant de ce mont. A l'origine de cette idée : l'abbé Duverlie, le même qui entrepris les travaux de restauration de la chapelle Saint-Roch.

En principe, un calvaire ne contient que le Christ en Croix. Or, fait original ici, on trouve également dans ce calvaire les statues grandeur nature de la Vierge et de sainte Anne. On peut aussi apercevoir les instruments du supplice près du Christ.

Qui plus est, l'architecture du bâtiment en elle-même est peu commune. Les murs massifs et l'aspect trapu de l'édifice cachent en fait de nombreux décors réalisés à partir de la pierre ferrugineuse, la brique rouge et la brique jaune. L'entrée est encadrée de deux piliers en pierre et briques dont la partie supérieure est décorée de deux lignes de briques rouges entre lesquelles est maçonné du pudding (mélange de pierres ferrugineuses et de galets). La partie haute du porche des termine en arc brisé. Dans chaque pignon, se situent des fenêtres en forme de losange certainement autrefois ornées de vitraux. Sur les murs intérieurs, sous ces dernières, on trouve des décors en fonte. La toiture à 4 pans de l'édifice devait auparavant être couverte d'ardoises mais la couverture a été remplacée par un matériau friable qui résiste mal au temps. De ce fait, une restauration récente a été entreprise afin d'éviter des dégâts irréversibles.

Ces trésors d'architecture sont parfois délaissés sur les bords de nos routes et chemins, oubliés à force de ne plus êtres regardés. Yser Houck a mis en place plusieurs restaurations de ce type d'édifices notamment celui de l'église mais aussi celui du cimetière de Wormhout récemment.

 

-> Si vous souhaitez en savoir plus sur la restauration des chapelles, vous pouvez vous référer à notre article dédié.