YSER HOUCK Pour le patrimoine flamand

Quatrième thème : Autour de la maison

Par Salomé B.

Épisode 21 : Les trottoirs en briques

Les terres de Flandre sont principalement composées d'argile et d'eau. Ces deux éléments ont influencé le mode de vie de ses habitants, par leurs constructions et l'adaptation qu'ils ont du en tirer. Avant le XIXe siècle, il faut s'imaginer des sols et des rues ressemblant à de véritables bourbiers la plupart du temps, de la boue empêchant de transporter des charges trop lourdes et collant aux vêtements et aux chaussures.

A cette époque, la seule manière d'éviter cela était d'installer des stapsteens (ou stapsteenen) : de grandes pierres ferrugineuses qui marquaient les pas (tous les 70 cm environ) et permettaient de ne pas trop se salir. Il en existe peu de nos jours. Mais il y avait surtout les trottoirs. D'abord composés de pierres ferrugineuses également, que l'on disposait serrées les unes à côté des autres. Mais bien entendu, les trottoirs en briques prirent rapidement le pas sur les autres matériaux.

Lors de la cuisson des briques dans les fours spécifiques, on gardait les plus belles pour les constructions. Il s'agissait souvent des briques disposées un certain endroit du four : elles n'étaient pas trop brûlées et assez cuites pour rester solides et garder une forme harmonieuse. Mais une majorité de ces briques restaient inutilisables pour les constructions. Elles étaient donc réutilisées pour ce genre d'œuvre, qui plus est, ces briques « brûlées » étaient très solides et ne pouvaient donc pas se briser facilement sous les roues des chariots. De plus, ces briques étaient disposées « à chant » afin d'être plus résistantes que si elles avaient été posées « à plat ». On les posait alors bien serrées les unes aux autres sur une terre préalablement damée voire sur un lit de sable. Une fois disposées, on renforçait les jointures avec du sable ou une poussière de terre. De même que nos murs, les briques étaient toujours disposées de manière à être croisées.

Ces trottoirs de briques devinrent une norme et chaque maison avait son propre trottoir qui en faisait le tour, traversait le jardin, allant même jusqu'à rejoindre la route. On utilisait donc les briques qui n'avaient pas servies à la construction principale. Selon les moyens de chacun, leur taille variait. Les plus simples n'étaient formées que d'une brique posée en largeur et encadrée de part et d'autre d'une brique posée en longueur.

Dans les fermes, les trottoirs longeant la maison étaient encadrés d'un muret qui les séparait de la cour où les animaux ne pouvaient pas accéder au seuil de la maison. Le contour de fumier était également composé d'un trottoir de briques, large d'au moins 1 mètre et il pouvait atteindre jusque 3 mètres là où les chariots passaient.

D'autres matériaux étaient utilisés notamment les pavés mais beaucoup moins fréquemment et peut-être de manière moins traditionnelle.

Ces trottoirs tendent aujourd'hui à disparaître, la plupart du temps recouverts de béton ou de goudron. Pourtant ces matériaux ne laissent pas l'eau s'infiltrer et c'est ainsi que les bourgs finissent par être inondés avec des égouts rapidement engorgés.

Épisode 22 : Les grilles et barrière et leurs pilastres

Pour marquer l'entrée d'une demeure ou d'une propriété en centre bourg comme en pleine campagne, différents types de grilles ou barrières étaient utilisés.

En campagne, les cours de ferme renfermaient les différents bâtiments disposés en U. Pour en marquer l'entrée, une grosse barrière en bois était utilisée. On l'appelle draai bailleuw (= barrière tournante) ou barrière à cul en français. Elle est dotée d'une énorme poutre en bois très peu travaillée rappelant par son aspect un tronc d'arbre ou une énorme branche, sous laquelle des planches de bois plus travaillées servent à « fermer » cette barrière, plus rarement, certaines sont dotées de barreaux en fer. Elle marque aussi l'entrée d'un pré. Un très bel exemple existe au bord de la mare qui se situe à côté de la chaumière d'Yser Houck à Volckerinckhove.

Souvent, via le jardin, la maison principale avait un accès privatif qui se fermait par une barrière de petite taille, en bois également, pivotant sur un piquet également en bois et qui se fermait par un simple loquet. On parle alors de portillon en bois.

Dans les maisons de centre bourg, souvent plus cossues, on installait plutôt des grilles en fer forgé. En effet, pour de grandes demeures nobiliaires ou bourgeoises, l'entrée était marquée par une grille ou une barrière à l'image de la maison. A l'origine en bois, ces grilles en fer les remplacent au milieu du XIXe siècle. Ces fers, pour les plus anciens, ont une forme de U vu du dessus. En effet, contrairement aux grilles plus récentes, les barreaux ne sont pas pleins mais creux, il s'agit de fers semi-cylindriques, ce qui permet de reconnaître une grille vraiment ancienne. Les barreaux sont liés entre eux et fixés par des rivets à des barres horizontales, des fers plats. Les barreaux sont souvent simples, se terminant en pointe ou sont agrémentés de voussures assez caractéristiques.

C'est généralement en centre village que l'on retrouve, associés à ces grilles, des pilastres. Ces piliers en briques assez classiques permettent de soutenir ces grilles. Auparavant en pierre au XVIIIe siècle, l'utilisation largement généralisée de la brique a rapidement remplacé ce matériau. Souvent sur ces piliers, une rangée de briques sur 3 ou 4 était maçonnée en retrait, pour un aspect plus esthétique et rappelant les anciens pilastres en pierre. Ils sont de forme carrée et généralement, avoisinent les 2,5 mètres de hauteur. Ces piliers s'achèvent souvent par une pyramide de briques posées les unes au-dessus des autres, ou bien avec une pierre plate qui dépasse légèrement du reste du pilier pour la protéger et éviter le ruissellement d'eau (parfois en forme de pointe également pour éviter que l'eau ne stagne). Pour autant, les grilles ne furent pas toujours rattachées à un pilier de maçonnerie mais parfois simplement à un montant de fer, lui-même scellé à de grosses pierres enterrées.

La grille ou la barrière doit être assez grande pour permettre le passage de véhicules. Une autre grille « piétonne » de format plus petit permet de laisser passer simplement les habitants. Elles sont généralement séparées par un pilastre.

Également associés à ces grilles et pilastres, les murets de briques rouges sont très fréquents. Dans le cas où la grille est associée à un muret de briques, elle est plus courte bien que le principe général reste le même. Souvent, le maçon termine le muret en posant deux briques surélevées pour lui donner une forme pointue, toujours dans l'idée de laisser l'eau s'écouler mais aussi pour l'esthétique.

Épisode 23 : Le four à pain

Les fournils ou oven kot en flamand, étaient répandus il y a encore quelques années en Flandre. Ils ont l'aspect de petits bâtiments à l'apparence de maisons miniatures, situés non loin de la bâtisse principale ou directement accolés dans certains cas. Ils étaient le plus souvent construits au fond du jardin pour des raisons de sécurité : en cas d'incendie, la maison ne brûlait pas par la même occasion.

Au niveau de la structure même : on y accédait par une petite porte sur le pignon. A l'opposé, au sommet du second pignon trône une cheminée caractéristique de ce four à pain, elle est la seule partie haute du bâtiment, sa raison d'être. Elle n'est pas très profonde et à 1 mètre de hauteur se trouve la porte du four. Ce four ressort sur le pignon extérieur. De chaque côté des façades, les murs sont percés d'une petite fenêtre. Le bâtiment en lui-même ne mesure pas plus de 3 mètres sur 5.

A l'intérieur de ce fournil, on peut trouver le pétrin en bois, une table disposée au milieu de la pièce, principal mobilier de ce oven kot, largement suffisant pour la préparation du pain. Ce four n'avait pas que pour seule fonction de préparer le pain pour la famille. On se servait également de la cheminée afin de chauffer dans de grandes bassines en fer contenant l'eau de la lessive. De ce fait, ces cuves devaient aussi être rangées dans le bâtiment.

Le sol est en terre battue et de l'extérieur, les murs sont couverts de torchis ou en simples briques rouges comme le reste du bâti autour. La toiture a toujours été couverte de tuiles, pour des raisons logiques de risque d'incendie avec le chaume.

Bien que la raison principale de l'éloignement de ce four vis à vis de la maison soit comme déjà énoncé, le risque d'incendie, on pouvait également grâce à cela, entasser les fagots de bois contre le mur du fournil. Il en fallait une demi-douzaine pour une fournée hebdomadaire, autant dire qu'un certain nombre devait être entassé auprès du four !

Peu après s'est démocratisée la construction des cuisines en croix (les kruys keuken) accolées à la façade arrière des maisons principales. Apparemment, initialement il n'agissait ni plus ni moins que d'un four à pain que l'on a rapproché progressivement de la maison pour des raisons pratiques.

Épisode 24 : La niche à chien

Les animaux tiennent une place primordiale dans les fermes mais pas seulement le bétail ou les chevaux. Les chiens aussi avaient leur importance, que ce soit pour protéger et avertir d'un intrus ou simplement pour la compagnie qu'ils apportaient aux Hommes. Ainsi, lorsqu'ils construisaient un bâtiment, les cultivateurs avaient toujours quelques briques en surplus inutilisées. Elles servaient alors à la construction de petits bâtiments sans utilité majeure que les maçons construisaient gratuitement comme les niches à chien. Ainsi, loin des niches modernes en plastique, les chiens avaient droit à leur propre petite construction en dur, et forcément en briques rouges typiques des Flandres. On peut donc trouver aujourd'hui au milieu de l'herbe des petites meules circulaires en briques percées d'une petite entrée pour l'animal. Il y faisait assez chaud l'hiver pour le garder à l'abri des intempéries et l'été, l'animal n'y suffoquait pas avec les chaleurs, tous les avantages de la brique que les Flamands ont su mettre à profit dans toutes leurs constructions. La niche n'est pas très grande (il s'agissait d'accueillir ici un chien de ferme donc de taille moyenne tout au plus), ni très épaisse et se termine en pointe. En effet, c'est à partir de la 7e rangée de briques que commence la toiture composée uniquement de briques en boutisses. Chaque rangée est en retrait par rapport à la précédente de 5 cm, la toiture, elle, se termine par une demi-brique. Pour une niche de taille moyenne (avec une brique d'épaisseur soit 22 cm et un diamètre extérieur 1,40 mètre) il faut compter environ 500 briques.

Il est rare d'en observer aujourd'hui, elles ne sont pas entretenues ou directement détruites le plus souvent car l'on n'en connaît pas l'utilité. Si vous avez la chance d'en avoir encore une ou de connaître un endroit qui en dispose encore, n'hésitez pas à partager vos photos sur notre page Facebook ! Vous pouvez en observer une à l’étang des Trois Sources à Wormhout en libre accès. 

Épisode 25 : Les colombiers et trous d'envol de pigeons

Parmi tous les animaux qui entourent les Flamands, après avoir vu la niche à chien, intéressons nous aux pigeons qui avaient également leur place dans le paysage architectural flamand.

Les pigeons et colombes pouvaient venir s'abriter au sein des greniers et granges en rentrant par de petites niches qui étaient aménagées dans la partie supérieure des pignons (un peu comme pour les trous à hiboux bien que ceux-ci étaient cantonnés aux granges pour les rongeurs). On les retrouve jusqu'au XXe siècle, plutôt disposés vers l'est, les maisons étant orientées avec la façade principale au sud. Les abris à pigeons sont de moins en moins utilisés mais les trous d'envol sont toujours présents sur certains pignons, il s'agit alors simplement de briques manquantes disposées plus ou moins symétriquement et qui permettaient aux oiseaux de passer. Ils étaient, sans aucun doute, aménagés dès la construction de la demeure. On les trouve principalement sur des demeures situées en plein village, des maisons de rentiers ou d'artisans.

Il arrivait parfois que l'on construise directement un colombier pour « loger » ces oiseaux. Les colombiers anciens sont rares de nos jours et ce pour plusieurs raisons. La construction d'un colombier était soumise à des nombreuses règles : avant la Révolution française, seuls les nobles pouvaient ériger de véritables petits bâtiments qui prenaient alors place dans la cour du château. Cela, à l'exception de quelques paysans qui ne possédaient pas la haute justice et qui pouvaient avoir un pigeonnier incorporé dans un autre bâtiment, à la condition de posséder au moins 50 arpents de terre.

Les pigeons étaient particulièrement présents dans les grandes régions céréalières, ces oiseaux se nourrissant principalement de grains, ils auraient pu faire d'énormes dégâts en gros groupes en Flandre avec leur appétit vorace. 

Merci à Stéphane Leduc qui nous a partagé cette photo sur Facebook, elle illustre à merveille ce propos.