YSER HOUCK Pour le patrimoine flamand

Les trottoirs en brique

L'argile (avec peu d'humus) et l'eau ont fait la richesse de la Flandre agricole depuis que Flandre il y a. Ces deux éléments ont également exercé une véritable tyrannie sur les Flamands. Ils ont guidé les constructions, fixé l'habitat, influencé le mode de vie.

Il faut s'imaginer nos chemins de terre, sans aucun caillou jusqu'au XIXème siècle. Des bourbiers parfois 10 mois par an où l'on ne pouvait rouler qu'avec de très petites charges. Cette boue qui colle à tous vos habits, surtout aux chaussures et que l'on ramène partout jusque dans la maison. Un seul remède alors, frotter, laver à grande eau, c'est cette argile qui a rendu nos ménagères si actives, si soigneuses de leur intérieur, si propre.

Trottoir typique en briques devant une maison à Volckerinckhove (photo Yser Houck 2000)

Jusqu'en 1800, les seuls matériaux qui permettaient de marcher une peu hors de la boue, étaient les stapsteenen (ou stapsteens). Ces grandes pierres ferrugineuses, trop rares, que l'on disposait sur les sentiers tous les 70 centimètres (à chaque pas). Il y avait aussi les trottoirs, les plus anciens étaient aussi composés de petites pierres ferrugineuses disposées cote à cote, le plus serré possible. Mais il faut croire que dès que la brique réapparut en Flandre, on fit des trottoirs de briques. Poser des trottoirs était d'autant plus tentant que lors de la cuisson des briques, on en avait toujours une certaine quantité inutilisables pour la construction. Il s'agissait des briques disposées contre le foyer. Ces briques  » brûlées  » étaient déformées mais aussi extrêmement dures, elles ne se brisaient pas sous les roues des chariots.

Bientôt devant chaque maison il y eut un trottoir. Trottoir qui courait d'ailleurs tout autour de la maison, s'avançait vers la route et traversait le jardin. Plus ou moins large selon les ressources du propriétaire. Il se réduisait au pire à une brique disposée en largeur, encadrée de deux briques disposées en longueur. Dans les fermes le trottoir devant la maison était séparé de la cour par un muret surmonté d'une grille ainsi les animaux ne pouvaient pas s'aventurer jusqu'au seuil. Le fumier qui trônait dans la cour était ceinturé de trottoirs, un trottoir large d'un bon mètre, là où devait circuler le bétail, un trottoir de 3 mètres là où roulaient les chariots.

Les briques des trottoirs étaient toujours disposées  » à chant « , elles étaient ainsi plus résistantes que si elles avaient été posées à plat. Elles étaient simplement posées bien jointives sur une terre damée, parfois sur un lit de sable. On balayait ensuite du sable ou une fine poussière de terre entre les briques. Les briques étaient toujours croisées, comme pour la construction d'un mur.

Quel charme ces trottoirs en briques, aux couleurs mélangées de l'orange au noir, aux motifs toujours différents grâce aux briques irrégulières et quels services ils ont rendu durant les siècles à toute la Flandre. Des sentiers étaient ainsi parfois munis de trottoirs sur des centaines de mètres de long, permettant aux campagnards de se rendre au bourg sans (trop !) se salir les chaussures.

Aujourd'hui les trottoirs de briques sont délaissés, démontés ou plus souvent recouverts de béton impeccablement gris et uniforme ou d'un laid goudron noir ou au mieux rouge. Quelle monotonie que ces longues rues au goudron noir encadrées de trottoirs rectilignes recouverts de ce même goudron qui s'invite jusqu'au pas de porte. L'eau y ruisselle comme sur une vitre, vaste surface imperméable qui emporte l'eau jusqu'aux égouts, vite engorgés aux fortes pluies inondant caves et jardins.

Campagne qui veut ressembler à la ville, alors que la ville lasse du bitume cherche à retrouver un peu de chaleur dans des trottoirs de pierres ou de briques. Car loin d'être d'un autre temps, la brique sait toujours se faire apprécier de l'homme moderne. Refaisons donc des trottoirs en briques, à l'ancienne, sur un lit de sable. Autre méthode pour celui qui veut un trottoir qui ne se déformera pas et qui ne veut pas désherber entre les briques. Sur la terre damée, on verse une épaisseur de 8 à 10 cm de béton sec, c'est à dire un mélange d'1/3 de ciment et de 2/3 de sable de rivière tout venant auquel on ne rajoute pas d'eau. Ce béton bien compact durcira peu à peu grâce à l'humidité du sol qui remontera par capillarité. Au fur et à mesure de la pose de ce béton, on dispose les briques sur 1 ou 2 cm de ciment mouillé cette fois, même ciment entre les briques, comme pour un mur vertical. (½ sable gras – ½ sable de rivière ou mieux de dune).