YSER HOUCK Pour le patrimoine flamand

Les presbytères après 1789

Fin 1789, le gouvernement royal de France est en pleine crise financière, sur proposition de l'évêque d'Autun Talleyrand, il nationalise les biens, très importants du clergé. Les biens de l'Église sont confisqués et déclarés propriété de l'État qui en contrepartie s'engage à financer le culte et entretenir les prêtres.

Les presbytères, le mobilier des églises, les églises même parfois, sont ainsi progressivement vendus comme  » biens nationaux  » afin de renflouer le budget de l'état. Le clergé vit alors une période trouble entre jureurs (ceux qui ont approuvé la révolution) et réfractaires (qui refusent cette allégeance). En 1792 l'état civil est enlevé au clergé pour être confié aux mairies, on n'a ainsi plus besoin de recourir à l'Église pour la vie civile.

Ces biens sont souvent alors vendus à des particuliers sans se soucier de l'utilité publique qu'il pourraient constituer ; des élus locaux signalent ces dérives ainsi le 29 germinal an 7 (20 avril 1799) l'administration municipale du canton de Watten signale à l'administration centrale du département du Nord :  » Citoyens, nous sommes informés que les maisons presbytérales de Millam et Volckerinckhove sont estimées pour être incessamment vendues ; nous vous observons que ces maisons sont les seuls locaux que ces communes possèdent pour le logement de l'instituteur ; qu'il s'en est présenté un pour chaque commune au jury d'instruction à Dunkerque, qui ne se trouvant pas complet a ajourné leur examen jusqu’à son complément. Dans ces circonstances nous vous invitons à suspendre la vente desdites maisons presbytérales qui doivent évidemment servir de destination à l'instruction publique. Salut et Fraternité « .

Ce genre de demande est resté lettre morte puisque quasiment tous les presbytères de l'Yser Houck ont été vendus, ces ventes étaient signalées par voie d'affiche et avaient lieu à l'administration centrale du département du Nord basée à Douai.

  • BROXEELE

Date de vente : le 27 avril 1799

Description :  » Une maison érigée sur trois quartiers de terre ou environ mesure de Cassel y compris le jardin potager entouré d'haies vives consistant en 3 places bases, cuisine, cave et relavoir et un grenier, bâtie en briques listant du levant au sentier de Volckerinckhove du midi à Jacques Thoorens, du couchant à la citoyenne Marie Topens, du Nord les enfants Guillaume Vitrÿ « .

Estimation (1) : 1600F

Acquéreur (2) : Teilliez de Douai pour Antoine Elleboode de Noordpeene.

Prix d'achat : 1700F au 2ème feu.

  • BUYSSCHEURE

Date de vente : le 5 août 1798

Description :  » …une maison curiale située audit lieu non réservée pour l'instituteur et occupée présent par le citoyen Thomas ministre du culte sans rétribution, ladite maison érigée sur ? ou 3 quartiers de terre bâtie en pailloties et couverte de paille en état très médiocre ayant cave, cuisine et 4 places, ayant en longueur 40 pieds, 20 en largeur et 16 en hauteur. Tenant d'une liste à Jean-Baptiste Coloos, d'autre liste à une rue, du midi au cimetière et du Nord à ledit Coloos « .

Estimation : 1200F

Acquéreur : Debay de Douai pour Thomas de Buysscheure (le curé lui- même ! )

Prix d'achat : 60 200F au 58ème feu.

  • LEDERZEELE

Date de vente : le 27 avril 1799

Description :  »  …une maison érigée sur une mesure de terre de Cassel ou environ, y compris le jardin potager, composée d'une cuisine, cave, relavoir, 4 places bases et le grenier, bâtie en bois et plaquée d'argile. Listant du levant la rue de Lederzeele à Volckerinckhove, du midi le cimetière, du couchant Jacques Elleboode, du Nord le citoyen François Vandercolme, occupée par le ministre du culte « .

Estimation : 2000F

Acquéreur : Desplanque pour Jean François Marie Vandercolme de Lederzeele

Prix d'achat : 107 000F au 42ème feu.

  • MERCKEGHEM

Date de vente : le 27 avril 1799

Description :  » …une maison érigée sur demi arpent ou environ, entouré de haies vives appartenant aux riverains, composée d'une cuisine, cave, relavoir, et quatre places bases, le haut également composé de quatre places et 2 cabinets et le grenier, bâtie en briques rouges, couverte d'ardoises et non encore achevée. Du levant au citoyen Vandercolme, du midi audit Vandercolme et à Thierry, du couchant à la rue de Rubrouck, du Nord le cimetière, y compris le jardin potager occupée par le ministre du culte « .

Estimation : 2000F

Acquéreur : Donat Toudriau de Lille

Prix d'achat : 101 500F au 83ème feu.

  • MILLAM

Date de vente : le 27 avril 1799

Description :  » …une maison érigée sur ¼ de mesure de terre environ, y compris le jardin, composée d'une cuisine, cave et relavoir, 2 places bases et 2 cabinets, le haut également composé d'une place et 2 cabinets, et grenier couvert en tuiles et panes. Listant du devant la rue de l'église, du midi le cimetière, du couchant le cimetière et du Nord la veuve Dque Sterckeman, la dite maison bâtie en briques blanches, occupée par le ministre du culte « .

Estimation : 2400F

Acquéreur : Pierre Desmidt de Millam

Prix d'achat : 25 000 F au 13ème feu

  • NOORDPEENE

Date de vente : le 17 juillet 1798

Description :  » …une maison érigée sur ? ou quarante verges de terre compris un hangar situé du couchant dudit bâtiment la dite maison bâtie en dur couverte en pannes et rez de chaume avec cave, cuisine, relavoir et quatre places dans un état médiocre ayant en longueur 48 pieds, en largeur 30 et en hauteur 15, les remises 20, la dite maison sans occupeur et l'instituteur ? logé. Tenant d'une liste au cimetière, d'autre liste au citoyen Deschodt, du midi à même, du Nord à une rue « .

Estimation : 1500 F

Acquéreur : Blanquart de Douai pour Antoine Elleboode de Noordpeene.

Prix d'achat : 70 300 F au 51ème feu

  • VOLCKERINCKHOVE

Date de vente : le 28 avril 1799

Description :  » …une maison érigée sur demi arpent de terre mesure de Cassel y compris le jardin potager, consistant en cuisine, cave, relavoir et quatre places bases. Le haut 4 places, le grenier couvert en tuiles, bâtie en briques. Listant du levant la rue de Merckeghem, du midi la rue de Bollezeele, du couchant et du Nord la veuve Chevalier occupée par Pre Jérôme Debroucker « .

Estimation : 1600 F

Acquéreur : Toudriau de Lille pour Jean Baptiste Lippens de Volckerinckhove lui même pour Benoît Isaert d'Arnéke.

Prix d'achat : 81 500 F au 42ème feu.

  • WULVERDINGHE

Date de vente : le 28 avril 1799

Description :  » … une maison érigée sur un quartier environ de terre, consistant une cuisine, deux places et deux cabinets, un grenier couvert en paille, bâtie en bois, plaquée en argile tombant en ruine. Listant du levant à Louis Benoît Becq, du midi et du nord le même, du couchant le cimetière, occupée par Sabine Marhéchal « .

Estimation : 1200 F

Acquéreur : Henry Lemaire pour Bertin François Duseigne de Wulverdinghe.

Prix d'achat : 64 500 F au 43ème feu.

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(1) L'estimation se base su 40 fois le revenu annuel de 1790 (article 1er de la loi du 27 brumaire an VII).

(2) Se passant à Douai, l'achat était souvent commandité par un tiers (habitant du village…)

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On peut s'étonner de ne voir figurer dans la liste ni Bollezeele, ni Rubrouck. Pour Bollezeele, village important, la mairie a eu accord du sous préfet pour utiliser une partie du bâtiment en salle de réunion du conseil municipal (voir YH n°37). Pour Rubrouck, la vente aurait du se faire mais a été empêchée comme en témoigne une pétition de la commune au président du département du Nord à Douai (lettre du 13 avril 1795) :

 » …soumission de vente a été faite…la vente a été différée par des individus mal intentionnés. Ce serait le profit de la république ainsi que pour la commune parce que les réparations prochaines seront fraieuses soit pour les intérêts de la république ou de la commune, les locations de la maison ne rapportent rien, attendu qu'elle est occupée par le ministre du culte et l'institutrice, enfin la maison en question ne sert à aucun service pour la commune, on pourrait faire réflexion que la maison sus dite doit servir pour la demeure de l'institution au contraire il reste encore deux maisons communales, l'une soit pour la demeure de l'instituteur et l'autre louée en partie et la partie restante est pour la conservation des archives de la commune. S'il est constant que l'institutrice doit avoir une demeure, elle pourrait se retirer dans une des maisons communales. Pour quoi citoyens, nous estimons que la dite maison soit vendue au profit de la république et pour l'intérêt commun vouloir ordonner la vente en question « .

Il faut attendre le concordat de 1801, entre Bonaparte et le pape Pie VII pour que tout rentre dans l'ordre  » … le gouvernement de la république française reconnaît que la religion catholique apostolique et romaine est la religion de la grande majorité des Français….. « .

Les lieux de culte catholique sont ainsi réouverts, les prêtres ayant signé un serment de fidélité au gouvernement sont nommés dans les paroisses. L'état doit toujours rémunérer les prêtres et est tenu de leur fournir un logement. On procède à un premier inventaire officiel des presbytères. C'est ainsi que l'état de situation fin 1807, des 560 paroisses du département du Nord fait apparaître que 234 presbytères sont en bon état, 100 ont besoin de réparation et 226 sont sans presbytères (soit plus de 40 % de paroisses sans presbytère ! ).

C'est à peu prés cette proportion que nous trouvons dans les villages de l'Yser Houck :

Presbytères en bon état :

  • BollezeeleRubrouck ( non vendus comme biens nationaux)
  • Buysscheure : la maison vicariale fait office de presbytère, la municipalité a pris une délibération en 1810 indiquant que 2 presbytères sont à acquérir ou à construire :  »  …M. le curé habite dans une maison vicariale appartenant à la commune et que l'administration n'a pas les moyens d'en acheter une autre « .
  • Noordpeene et Wulverdinghe ont récupéré l'ancien.
    Par lettre du 6 janvier 1803 au préfet du département du Nord, le maire de Wulverdinghe signale que le presbytère tombe en ruine car l'acquéreur n'a pas payé, il demande alors qu'il revienne à la commune, le préfet par lettre du 20 janvier 1803 accepte cette proposition. On peut supposer qu'il en va de même pour les communes de Noordpeene et Merckeghem.

Presbytères en mauvais état :

  • Merckeghem, la commune a récupéré l'ancien.

Paroisses sans presbytère :

  • LederzeeleMillamVolckerinckhove.

Remarque : Broxeele ne figure pas dans cette énumération, le village à cette époque n'étant plus paroisse mais rattaché à Volckerinckhove.

Les besoins sont importants, les communes encore récentes n'ont guère de ressources, l'État se relève doucement de ses difficultés, les années passent. Aux enquêtes suivent d'autres enquêtes. L'évêché de Cambrai estime au 4 novembre 1811 que dans son diocèse, la dépense d'acquisition est de 695 803,78 F et celle de construction de 503 999, 87F.

En 1816, l'État fait à son tour un bilan auprès des communes.  » La religion gémit dans plusieurs communes, de voir ses ministres dépourvus de presbytère ou de logement décent et convenable qui doit leur être fourni….Un tel état de choses ne peut plus subsister…. Ce sera concourir à l'un des vœux le plus cher du ROI…  » (le préfet du département du Nord aux maires des communes chefs-lieux de cures ou de succursales, le 27 mars 1816).

On constate que le pouvoir politique a un sentiment beaucoup moins anticlérical qu'il ne l'avait quelques années plus tôt.

État des logements du curé et des desservants 1801-1809
Département du Nord, arrondissement de Dunkerque (au 16 juin 1808)

Exemples
Presbytères en propriété * Bollezeele avec jardinMerckeghem avec jardin
Presbytères en location Millam : loyer de 175F/anBroxeele : loyer de 100F/an (Elle est depuis redevenue paroisse).
Communes où les pasteurs ont une indemnité ou un supplément de traitement pour leur service au lieu de logement Lederzeele : 100F/anVolckerinckhove : 90F/an

Observations du sous préfet de Dunkerque sur les moyens de pourvoir en presbytère les communes qui n'en ont point (au 1er mai 1816).

 » Il est généralement reconnu que les curés et desservants doivent être logés décemment, que leur demeure doit être composée de plusieurs pièces, et qu'il doit y être annexé un jardin. Il est convenable que la demeure du desservant appartienne à la commune, afin d'éviter que les caprices ou l'intérêt sordide d'un propriétaire force le curé de déménager et de mettre dans l'embarras de trouver un logement convenable : en un mot, il doit y avoir un presbytère ou maison spécialement affectée au logement du curé, comme il y a une église pour l'exercice du culte.

Cette vérité n'est pas sentie par tous, et lorsqu'il s'agit dans une commune de faire l'acquisition d'un presbytère, il n'est pas rare d'entendre chacun se plaindre d'une dépense extraordinaire qu'une acquisition ou une construction va occasionner et on voudrait loger le curé dans la plus misérable masure, cela ne doit pas surprendre puisque leurs diverses gouvernances qui se sont succédées n'ont rien, ou très peu fait dans l'intérêt de la religion et de son ministère ; mais ont fait au contraire tout ce qu'il fallait pour anéantir l'une et respecter les autres. L'autorité doit se placer au dessus de ces considérations, et procurer aux curés et desservants une demeure qui ne change point de propriétaire afin d'éviter autant que possible, tous les inconvénients, je pense qu'une commune qui n'a pas de presbytère en propriété devrait être tenue d'en acquérir un ou d'en faire bâtir, soit sur un terrain communal soit sur le fond d'autrui, moyennant une juste indemnité. Comme le choix d'une maison convenable ou logement d'un desservant et sa situation plus ou moins éloignée de l'église, ou trop rapprochée des demeures d'habitant qui exercent des professions incommodes, est un objet très essentiel que les autorités locales ne prennent pas en assez grande considération, je voudrais que ce choix se fit par une commission composée de doyen ecclésiastique du chef lieu du canton, le maire et le juge de paix, enfin du maire et d'un membre du conseil municipal de la commune non pourvue de presbytère. Quant aux moyens de faire face aux dépenses d'acquisition ou de construction, le moyen le plus facile est de leur ajouter pour moitié, tiers ou quart aux contributions directes.

Le Français devant céder sa propriété lorsque l'utilité publique le réclame, on pourrait acheter aux propriétaires des anciens presbytères et ceux occupés par les desservants à titre de bail à loyer, mais on ne devrait recourir à ce moyen que lorsque tous les moyens d'accommodement auraient été inutilement tentés.

Fait à Dunkerque le 11 mai 1815, le Sous Préfet DESNOD « .

On le voit le gouvernement a pris conscience du phénomène mais après avoir dilapidé les presbytères (appartenant au Clergé et donc acquis grâce aux deniers des fidèles !) il considère que les municipalités doivent percevoir un impôt direct auprès des citoyens pour en acquérir ou bâtir un nouveau, ou à défaut racheter l'ancien.

Bilan au 18 novembre 1816 :

Communes de l'Yser Houck pourvues de presbytères :

  • BOLLEZEELE : un curé

Valeur de l'édifice : 3000 F

Étendue du jardin : 33,30 ares

Produit présumé des jardins : 60 F

Charges annuelles frais d'entretien : 60 F

  • BUYSSCHEURE : un desservant

Observation du Préfet :  » cette commune a une maison en propriété laquelle est convenable au logement du desservant mais celui-ci observe qu'il ne peut y rester attendu qu'il n'y a ni four ni remise. Le Préfet avisera un moyen de mieux lui approprier cette maison à sa destination « .

  • NOORDPEENE : un desservant

Valeur de l'édifice : 1800 F

Étendue du jardin : 17 ares

Produit présumé des jardins : 24 F

Charges annuelles frais d'entretien 50 F

Observation du Sous Préfet :  » Le presbytère étant propriété communale, il ne coûte à la fabrique que les frais d'entretien « .

 

Ancienne carte postale du presbytère de Noordpeene

  • WULVERDINGHE : un curé

Valeur de l'édifice 1500 F

Étendue du jardin : 20 ares

Produit présumé des jardins : 40 F

  • MERCKEGHEM : un curé

Valeur de l'édifice : 4000 F

Étendue du jardin : 33,50 ares

Produit présumé des jardins 70 F

Charges annuelles frais d'entretien : 60 F

  • MILLAM : un curé

Valeur de rachat de l'édifice : 6000 F

Étendue du jardin : 14 ares

Produit présumé des jardins : 30 F

Charges annuelles frais d'entretien : 60 F

La commune a racheté le presbytère vers 1814, avec une aide de 2000 F de l'État, le reste sur l'imposition en 5 ans.

Communes de l'Yser Houck dépourvues de presbytères :

  • BROXEELE : un curé

Prix de rachat à faire de l'ancien presbytère : 3000 F

Dépense à engager pour le mettre en état : 600 F

Moyen de pourvoir aux dépenses de rachat, d'acquisition ou de réparation.:  » Le propriétaire de l'ancien presbytère offre de le vendre pour la somme de 3000 F ce qui serait plus économique que d'en construire un nouveau sur une partie du cimetière ainsi que M. le Maire le propose. Les habitants pensent que le gouvernement ayant vendu l'ancien presbytère devrait leur en procurer un autre « .

Observations du Préfet :  »  Le préfet pense que cette acquisition peut sans inconvénient être ajournée attendu la situation malheureuse de la commune « .

  • LEDERZEELE : un curé

Prix de rachat à faire de l'ancien presbytère : 2600 F

Dépenses à engager pour le mettre en état : 1000 F

Observations du Préfet : Idem que pour Broxeele.

  • VOLCKERINCKHOVE : un curé

Moyen de pourvoir aux dépenses de rachat d'acquisition ou de réparation :  » L'ancien propriétaire ne veut pas le vendre mais comme il est à environ un quart de lieu de l'église, on trouve préférable d'en construire un nouveau au côté oriental du cimetière, la commune n'a pas de ressources pour suffire aux frais de construction « .

Avis du Préfet :  » Propose d'ajourner pour le présent le projet de cette acquisition « .

Pour ces trois dernières communes, l'acquisition se fera mais plus tardivement, nous aurons l'occasion d'y revenir dans une prochaine revue.