Après ces épisodes spéciaux autour des moulins de Flandre, passons maintenant à un nouveau thème : les matériaux. Qu'ils soient utilisés pour la couverture du toit, pour la charpente ou pour les murs, ces matériaux sont indissociables du style architectural flamand.
Épisode 32 : Le Chaume
L'épisode 16 paru dans le thème du toit a pour sujet la tuile. Il est temps désormais d'aborder l'autre matériau le plus couramment utilisé mais également l'un des plus emblématiques de Flandre.
Peu coûteux et facile à poser pour qui avait la technique, le chaume est resté le matériau de couverture le plus utilisé pendant plusieurs siècles. C'est avec l'arrivée et la démocratisation des tuiles que le chaume a peu à peu disparu. En effet, malgré plusieurs avantages (économique, de constitution légère pour le toit mais aussi bon isolant), le chaume avait pour principal inconvénient de se consumer facilement et de permettre au feu de se propager rapidement. C'était notamment le cas dans les centres bourgs dans lesquels les maisons étaient accolées. La mise en place de wambergues (Second thème, épisode 14) ne pouvait rien y faire si ce n'est ralentir quelques peu les incendies ravageurs. Malheureusement, les tuiles qui furent peu à peu imposées par les villes étaient coûteuses et imposaient de solidifier voire reconstruire une nouvelle charpente pour soutenir le poids nettement plus lourd de ce matériau (pour cela, beaucoup de granges dont la couverture a été remplacée par des tuiles tombent aujourd'hui en ruines sous leur poids).
Auparavant, chaque village disposait d'un chaumier (poseur de chaume). Ce matériau consiste en des bottes de paille de céréales (du blé en général) qui étaient coupées à environ 1 mètre. La pose de chaume n'avait alors pas besoin d'être remplacée avant environ 10 ans. Au début du XIXe siècle, le nombre de chaumière avait tellement diminué que ce métier se limitait à combler les trous de couverture quelques semaines par an, un métier secondaire qui finit par disparaître presque totalement. Heureusement, des passionnés se sont transmis la technique de génération en génération et aujourd'hui quelques personnes sont encore en mesure de mettre en œuvre ce matériau si spécifique.
Épisode 33 : La brique
Un autre matériau du bâti de Flandre est reconnaissable entre tous : la brique. Et pas seulement la brique rouge comme beaucoup peuvent le croire ailleurs.
Historiquement, la brique est issue de la Mésopotamie et aurait été inventé il y a 800 ans. Pour la définir simplement il s'agit
d'un morceau d'argile formé en parallélépipède et qui est séché au soleil. Ce n'est qu'après qu'elle fut cuite au four. Ce sont les Romains qui diffusèrent son utilisation dans tout leur empire. Puis, au cours du Moyen-Âge, le manque de moyens réduisit peu à peu sa place systématique dans nos constructions (le chaume était beaucoup moins cher que la brique comme nous l'avons vu dans l'épisode précédent!). C'est au XIIe siècle qu'on la retrouve, remplaçant d'autres pierres trop friables, trop rares ou peu intéressantes. Les plus anciens édifices alentours constitués de briques sont l'église de Oudezeele, celle de Morbecque et quelques restes de châteaux.
Sa place prépondérante en Flandre s'explique notamment par l'existence partout dans le territoire de la matière première de ce matériau qui imprègne nos sols : l'argile. La technique de fabrication de celle-ci n'évoluera quasiment pas entre l'Antiquité et le XIXe siècle. On la fabriquait alors manuellement en extrayant l'argile, en la mélangeant ensuite avec du sable. Puis on la moulait dans des caissettes en bois sans fond pour ensuite les faire sécher plusieurs jours au soleil. Ce n'est qu'à la fin de ces manœuvres que l'on faisait cuire au four toutes ces briques. Les plus belles étaient conservées pour les murs des constructions, les murets et les soubassements par exemple. Les briques trop peu cuites étaient trop friables et les briques brûlées étaient plutôt utilisées pour la mise en place de trottoirs ou de cours.
La couleur si spécifique de la brique : soit rouge orangée, soit jaune, dépend de sa composition. En effet, sa composition chimique est constituée d'un certain pourcentage d'alumine et de silice (sable). Celle que l'on retrouve en Flandre Intérieure est rouge orangée et celle de la Flandre maritime est plutôt jaune. Cette dernière est reconnue comme étant plus solide mais aussi plus chère. C'est pour cela qu'on la retrouve le plus souvent sur des maisons bourgeoises ou pour l'utilisation de détails architecturaux en particulier comme les épis (qui nécessitent d'être solides) ou encore pour les runes et leur aspect esthétique.
Enfin, on ne peut parler de la brique en Flandre sans aborder le sujet de l'appareillage. L'appareil est l'agencement des briques qui forment un mur. Les plus solides et ceux qui évitent que les briques ne se délitent trop facilement sont ceux où elles sont les mieux croisées. Celui que l'on retrouve en Flandre est l'un des plus compliqués. Il est systématiquement utilisé dans la construction des maisons et dépendances jusqu'au début du XXe siècle. Il s'agit de l'appareillage anglo-flamand, combinant l'appareillage flamand et l'appareillage anglais. On imbrique une rangée de briques dans la longueur (panneresses) et une rangée de briques sur le petit côté (boutisses) que l'on fait se croiser. Ce travail était long et fastidieux mais ce détail architectural participe à la beauté de nos constructions flamandes géométriques et aux murs parfaitement montés et solides !
Épisode 34 : Le torchis
Continuons avec un autre matériau utilisé pour les murs. Nous avons parlé dernièrement de la brique. Bien qu'elle soit aujourd'hui majoritairement utilisée en Flandre, ce n'était pas le cas il y a quelques siècles. Au moyen-Âge, c'est le torchis qui était privilégié.
En effet, la terre est sans doute le plus ancien matériau utilisé dans la construction. Cette technique est simple à mettre en œuvre et peu coûteuse ce qui explique qu'elle était majoritairement utilisée avant la brique.
Pour la construction, on favorise un certaine type de terre crue. Le sol est composé de plusieurs couches dont la composition diffère selon la profondeur mais aussi selon le lieu géographique où l'on se trouve. Il faut choisir la partie strictement minérale du sol. Les techniques utilisant de la terre crue les plus courantes pour la construction sont l'adobe, le pisé, la bauge mais aussi le torchis qui est la plus répandue en Flandre. Celui-ci est majoritairement composé de limon (situé à 30 voire 40 cm sous la terre arable en Flandre).
Contrairement aux autres techniques, le torchis, un matériau de remplissage composé de terre et de fibres végétales, est projeté sur une ossature en bois et un lattis. Le mot torchis vient de « torche ». Ce sont les morceaux de pailles qui sont trempés dans l'argile et accrochés sur l'armature en bois. On préfère plutôt de la paille d'avoine, épaisse et moins cassante que peuvent l'être les autres types de pailles. On les coupe en fétus d'une vingtaine de centimètres avant de les mélanger à la terre.
Ce matériau est aujourd'hui en passe de disparaître tant il est de moins en moins utilisé. Au début du XXe siècle, environ la moitié des habitations en Flandre étaient faites en torchis. Il présente pourtant plusieurs avantages indéniables comme son faible coût puisque la terre est présente partout. Un second avantage est la facilité de mise en œuvre de cette technique. En fait, le plus gros du travail revenait aux travailleurs du bois puisque le torchis ne représente que l'étape finale de la construction sur une ossature en bois déjà définie. Enfin, il représente un très bon isolant thermique et phonique. On alliait les murs en torchis à un soubassement en briques afin d'éviter que l'humidité ne remonte directement de la terre. Il était bien souvent aussi associé au chaume dans les maisons traditionnelles flamandes.
Épisode 35 : La chaux
Avec le torchis, les murs sont recouverts de terre mélangée à de la paille. Ils sont alors de couleur marron voire grise. Mais les maisons en torchis sont souvent connues pour être blanches. C'est parce que le torchis est associé à un autre matériau : la chaux.
La chaux était également fortement utilisée, et ce, dès l'Antiquité, notamment pour monter les murs de briques ou de pierres.
100% naturelle, car composée exclusivement de craie, elle servait principalement en Flandre de couche finale au torchis (parfois même mélangée avec), un matériau lui aussi issu de l'argile. Elle était régulièrement chaulée pour boucher les fissures et lisser les irrégularités. En Flandre on l'utilise pour colorer et assainir les murs (on parle de badigeon) car c'est un désinfectant puissant éloignant les insectes. C'est à partir des années 30 que le ciment a totalement remplacé la chaux. Pour autant, il ne laisse pas circuler l'humidité comme pouvait le faire celle-ci et provoque le pourrissement des murs. Plus élastique, elle s'adaptait aussi plus facilement aux déformations du murs et elle ne se fissurait donc pas. Tout en repoussant l'eau de pluie, elle permet également de favoriser les échanges d'humidité. L'eau qui remonte par capillarité peut alors s'évaporer et éviter que le mur ne pourrisse.
La chaux est mélangée à un liant selon qu'elle soit utilisée pour du mortier, des enduits ou des stucs par exemple. Ce peut être à du sable, du plâtre, des particules de lin ou encore des poussières de marbre. En Flandre elle est surtout utilisée pour terminer les torchis en intérieur comme en extérieur. On privilégie la chaux hydraulique (contenant de l'argile et séchant plus vite que la chaux aérienne qui est pure) mélangée à des fibres de lin et de l'argile un peu sableuse. Elle recouvrait les murs de briques. Pour l'utiliser comme mortier on la mélange à du sable.
Son utilisation se fait de plus en plus rare aujourd'hui et pourtant, vous savez désormais quels sont les nombreux avantages qu'elle offre.
Épisode 36 : Le bois
Le bois est également l'un des matériaux les plus utilisés dans les constructions en Flandre. Dans une région assez peu pourvue en forêts, on se servait essentiellement des arbres dont on privilégiait la pousse dans les pâtures et en bord de champs. Les essences privilégiées étaient l'orme et le chêne pour le bois de construction car ils sont particulièrement durs. L'orme était majoritairement utilisé pour les pièces de charpente mais avait pour défaut de pourrir quand il était exposé à la pluie. Très compact il était aussi utilisé pour la fabrication de nombreux meubles. Cela faisait du chêne l'essence à la valeur la plus élevée mais aussi le plus recherché notamment pour la marine.
Le peuplier était également utilisé, notamment pour les planches à clins qui recouvraient les granges. L'aulne pouvait remplacer le chêne pour portes, fenêtres et volets. A partir du XVIIIe siècle, l'épicéa apparaît dans les constructions puis c'est au tour du pitchpin au XIXe siècle. On connaît l'utilisation du bois dans la charpente mais ce matériau est également utilisé pour les murs des granges notamment. On assemble alors le bois en planches à clins. Ces résineux, bien secs, étaient connus pour résister aux intempéries.
Épisode 37 : La pierre et la tourbe
Les premiers édifices « en durs » de la région furent construits avec le gré ferrugineux, la seule pierre que nous ayons en Flandre. Ces grès sont composés de pierres de petites voire de très petites tailles. C'est de cette base que sont composés les Monts de Flandre. Irréguliers et difficiles à monter, ils furent utilisés pour les églises ou encore les petits édifices romans du XIe siècle, succédant à l'utilisation du bois. Ces pierres difficiles à travailler et tailler étaient pourtant utilisées par les bâtisseurs qui construisirent avec de beaux édifices. Aujourd'hui encore on peut en retrouver quelques exemples. Le plus souvent ces grès issus des ruines furent réutilisés pour la construction de sanctuaires par exemple.
Le calcaire était également utilisé, plus facile à tailler quoique plus friable. Ces pierres étaient maçonnées en alternance avec la brique et la plupart du temps dans les églises. De même, elles furent également réutilisées par des particuliers pour leurs propres constructions.
Enfin, la craie ou encore la pierre du Hainaut étaient incorporées dans les endroits les plus exposés aux intempéries comme les soubassements ou les angles de murs. Cet emploi restait assez exceptionnel.
La tourbe était également un matériau utilisé par les maçons en Flandre, notamment dans les zones marécageuses, qu'ils extrayaient sous forme de briquettes. Souvent utilisées comme combustible, leurs atouts (compactes et légères) amena les constructeurs à les employer pour monter des cloisons quand les planchers étaient fragiles.