YSER HOUCK Pour le patrimoine flamand

Lederzeele

L’histoire du village de Lederzeele, tout comme celle des autres villages de l’Yser-Houck, est encore à faire, on en connaît très peu de choses. La commune a eu ses seigneurs, des destructions multiples par faits de guerre, des hommes de valeur y ont vécu, des églises, des châteaux y ont été érigés mais les années qui passent en ont souvent perdu jusqu’au souvenir. Pourtant ça et là, au hasard d’un vieux papier retrouvé ou d’un chantier ou découvre une trace de son passé.

On ne sait si des hommes préhistoriques vécurent à Lederzeele, mais on peut le croire puisque des silex taillés ont été découverts dans des villages voisins. Par contre il existe des preuves de la présence de l’homme à l’époque gallo-romaine. La plus visible est l’ancienne voie romaine Cassel-Watten qui traverse la commune sur sa plus grande longueur. Des poteries romaines ont par ailleurs été retrouvées près du centre du bourg, au Nord de l’église. Des habitations existaient sans doutes déjà là à cette époque et les Francs qui arrivèrent bientôt ne trouvèrent donc pas une région vide d’habitants couverte de forêts et de marais. Ce sont les Francs qui donnèrent son nom au village ; Leudiharis sali, habitation de Leudihari (de Leudi ; peuple et hazia, camp). Mais peut-être ne firent-ils que développer un centre déjà habité.

La première mention du village remonte à 1096, année où Rodolphe de Lederzeele partit en croisade aux côtés de Robert II comte de Flandre qui devint roi de Jérusalem. En 1123 on parle de l’autel de Lederzeele « altare de Lederzela« , en 1142 Ledrezela, en 1221 il s’agit de la « cense » de Leederzella possédée par les seigneurs de Harnes. En 1239, on cite les revenus que possèdent Bauduin de Haverskerque à « Lederzelle », en 1292 les possesseurs de la terre d’Haveskerque à Lederzeele sont désignés comme seigneurs de Lederzeele ; « Monsieur Gillon de Haverskerque, chevalier, seigneur de Lederzeele« . En 1320-24 il est question de Simon de Lederzeele. La liste des seigneuries du village est longue ; Bonneghem, Cappellen, Caresques, Nieurlet, t’Ruybrook, Wingaerde mais elles étaient de moindre importance et ne furent jamais présentes à la cour de Cassel. Le village était représenté par les hommes de la West-Vierschaeve (qui était composée des village de Lederzele, Rubrouck, Broxeele et Volckerinckhove). Il n’y eu pas à véritablement parler de seigneur de Lederzeele, le village appartenait directement au souverain.

Pourtant les armoiries de Lederzeele sont celles de la famille seigneuriale des Van Eeckhout : d’azur semé de billettes d’or, à la bande du même chargé de 3 merlettes de gueules.

Il est fait mention en 1296 de la motte située tout près de l’église : « le mote de Lidreziele« , ainsi qu’en 1320. Le hameau de Bonneghem est signalé dès 884 « Boningham » et Nieurlet en 1127, « Newerlede« , nouveau ruisseau, la terre de Nieurlet fut érigée en comté en 1529 par Charles Quint. Nieurlet qui était paroisse depuis au moins 1464 faisait partie de la commune de Lederzeele, érigé en village le 4 mars 1928 il est avec ses 1025 habitants plus vaste (et plus peuplé) que Lederzeele. Anecdote curieuse, au XVème siècle la dîme de Lederzeele devait fournir un combattant à pieds au souverain.

eglise-lederzeele

Lederzeele ne conserve plus guère de souvenirs de ces temps anciens, seules subsistent quelques demeures du début du XVIIème siècle, l’église Notre-dame de la Visitation, du XVIème siècle a été elle-même considérablement endommagée lors d’un grave incendie le 8 mai 1955, restaurée sobrement et avec beaucoup de goût, elle a été réouverte au culte le 16 mars 1958.
La tour du XVIIème siècle qui fut épargnée par l’incendie abrite un carillon de 7 cloches qui égrène à chaque heure les notes de l’Ave Maria. Cet air familier et apaisant fait partie du cadre familier des habitants de Lederzeele et des environs. L’église s’est également dotée de nouvelles orgues construites par la célèbre firme Loncke de Belgique. Elles accompagnent les chants des fidèles qui y vénèrent les reliques de Saint Érasme.

Mais l’exercice de la religion ne fut pas toujours paisible. Le curé non assermenté resta longtemps en place dans ce village réputé sous la révolution comme « passionnément réfractaire« . En janvier/février 1792 le vicaire restait « maître de la paroisse », il était soutenu par la municipalité. L’intervention des gardes nationaux et de la gendarmerie de Watten ne le firent pas céder si bien que le curé constitutionnel, fidèle à la révolution devait chercher protection hors du village. En 1793, sous la terreur, 19 Lederzeelois furent emprisonnés comme suspects.

Le sud et le sud-ouest du village de Lederzeele s’étend sur les collines qui limitent la Flandre Intérieure de l’Artois, l’altitude y est modeste pourtant suffisante pour être le point le plus haut du cours de l’Yser (40 m). Doit-on en conclure que le fleuve y prend sa source ? Une mare située rue des Lièvres est en tous cas parfois retenue comme la (ou une des ) source(s) de l’Yser, même si elle n’est pas la plus connue. Ce secteur très pittoresque offre des vues étendues vers le Pas-de-Calais, les pâtures avec leurs haies, leurs mares et leurs grands arbres sont restées relativement nombreuses, comme généralement sur toute l’étendue de la commune.

Lederzeele est d’ailleurs le village du département qui compte le plus grand nombre de bovins au km². L’extrémité ouest du village, vallonnée est encore quelque peu boisée avec les petits bois des Ombres et d’Anelle qui prolongent le bois du Ham, reliques de bois beaucoup plus vastes. Le vieux chemin de Bourbourg traverse cette zone, petit chemin de terre aujourd’hui impraticable, il fut jadis une voie importante qui reliait Bourbourg à Saint Omer.

Il est curieux de constater que pourtant la toponymie du village fait surtout mention de « champs » ; champ de Buysscheure, champ de Broxeele, Longchamp, champ de la Chapelle, champ du Crochet, champ du Bous, champ d’Averskerque (qui rappelle la seigneurie). Les noms français de lieux-dits sont d’ailleurs relativement plus nombreux que dans la plupart de nos villages, sans doutes ont-ils été transcrits en français, lors de l’établissement d’un ancien cadastre, car si l’on trouve écrit par exemple le lieu-dit « la Croix », les habitants le nomment encore souvent « de Kruys« . Le lieu-dit « le Pont des planches » jouxte le lieu-dit « Beke dam » (pont de la becque). On trouve aussi le Brugge Pletke, le Hollebeke, le krombeke, l’Heeberg (mont des Bruyères) et l’Haeneberg, le Hil (colline), le doorne Ard (le lieu d’épines), le gansaert (le champ des oies), le kinder belk (l’enclos des enfants), le droogen belk (l’enclos sec). Il en est de même des chemins, beaucoup sont en français ; chemin du Loup, de l’Aquenée, Perdu, des Lièvres, Vert, des Monts, mais on a aussi la Pauvre Straete, le chemin du Krom beke…

Le village de Lederzeele qui s’étend sur 864 ha ne compte plus aujourd’hui que 574 habitants. Il continue à se dépeupler de recensement en recensement et cela malgré la présence d’un centre actif, de nombreux commerçants, artisans et professions libérales. Souhaitons qu’à l’avenir les enfants de Lederzeele sauront apprécier le cadre de vie de leur village et résister à l’attrait de la ville.