Le lin : culture emblématique de la Flandre
Le lin est une culture emblématique de la Flandre depuis le Moyen Age. Si aujourd'hui la Normandie est première région de culture du lin au niveau mondial, la Flandre demeure leader, quant à elle, de la première étape de transformation de cette culture industrielle, « le teillage », qui consiste à séparer la fibre (dont on fera le fil et bien d'autres choses) de l'écorce et des graines. L'écorce, réduite en fétus de 1 à 2 cm, se nomme alors « anas ».
Le Laboratoire de Génie Civil et Géo Environnement (Université d'Artois et l'école d'ingénieurs HEI), le cd2e, le Pays des Moulins de Flandre et l'association Yser Houck, en réponse à un appel à projets du Conseil Régional des Hauts de France intitulé « Chercheur-Citoyen », ont souhaité expérimenter le pouvoir isolant de ces anas dans l'habitat. Les critères qui ont prévalu dans le choix cette expérimentation sont l'utilisation d'un produit local peu valorisé, de moindre coût et qui pourrait être mis en œuvre aisément, sans transformation, dans notamment l'habitat rural ancien encore très présent en Flandre et souvent mal isolé.
Pour l'association Yser Houck, cela se place dans une démarche plus globale de promotion des matériaux naturels et locaux traditionnels ou non dans le bâtiment. Ainsi des anas de lin ont été déposés, en vrac, sur des planchers de combles perdus dans deux demeures anciennes, et des capteurs hydrothermiques ont été disposés dans le matériau pour suivre pendant plus d'un an leur évolution afin d'en évaluer les performances.
Le projet P2AR (PAille Anas pour la Rénovation) s'inscrit dans le cadre de la politique de réduction d'émission des gaz à effet de serre de la région Hauts de France. Il vise à développer une solution d'isolation thermique de l'habitat ancien par l'utilisation d'une ressource végétale dite bio-sourcée. Les produits à faible énergie grise, issus du
recyclage de sous-produits agricoles peuvent alors être valorisés dans le domaine de la construction et de la réhabilitation de bâtiments, c'est le cas des anas de lin qui ont
l'avantage d'être issus d'une production agricole régionale.
Actuellement les anas de lin sont utilisés comme litières pour les animaux ou sont intégrés aux panneaux de particules préfabriqués. Les recherches développées portent
principalement sur le lin en tant que fibre additionnelle aux matériaux cimentaires, voire sur la fabrication de blocs de béton de lin. L'utilisation du lin dans le secteur du
bâtiment concerne essentiellement l'isolation. Cette solution mobilise la fibre courte du lin (étoupes). L'isolation se présente généralement sous forme de laine (rouleaux
souples ou panneaux semi-rigides) Actuellement, il existe très peu d'études scientifiques réalisées sur le matériau en vrac tant en laboratoire qu'in situ. L'utilisation en vrac
permet de garantir l'utilisation d'un produit faiblement transformé, permettant ainsi de réduire son impact énergétique sur l'environnement.
La zone géographique expérimentée est la Flandre, de Dunkerque et Bailleul, dans laquelle il est facile de s'approvisionner en anas de lin, le lin étant très développée dans ce
territoire.
P2AR : un projet qui s'intègre dans la dynamique des circuits courts et de l'économie circulaire
Le secteur du bâtiment a, depuis l’émergence d’une énergie « sans limite » et peu onéreuse, tiré un trait sur des pratiques millénaires en particulier dans les Flandres où paille,
pierre, terre, bois et calcaire étaient les moyens traditionnellement utilisés dans l’acte de construire. Point de gaz à effet de serre ou d’analyse en cycle de vie, la proximité faisait partie de la démarche et les distances d’approvisionnement pouvaient se limiter au village voire aux champs avoisinants.
La dernière ère industrielle a mis en place des cadres réglementaires, normes ou avis techniques générant des coûts financiers conséquents qui ont eu le tort de freiner l'innovation à faible coût. Actuellement, le critère de performance le plus couramment utilisé est la conductivité thermique (ou la résistance thermique, proportionnelle à l'épaisseur). Les grandeurs liées à l'inertie thermique, l'amortissement et le déphasage thermique ou encore la régulation hydrothermique, font partie des grands absents des indicateurs mis en exergue.
Les industriels actuels qui développent la filière des produits bio-sourcés rendent compte des difficultés de validation de la part des organismes certificateurs.Concernant l’historique du développement des produits bio-sourcés, trois temps sont venus marquer leur implantation. Tout d'abord certains produits ont émergé d’Europe comme les laines de chanvre, de lin, le liège ainsi que les laines et fibres de bois. Ensuite, avec l‘évolution du marché français, l’installation de sites de production de laine s'est faite dans différentes régions de France, et en particulier le textile recyclé dans le Pas de Calais. Enfin, le concept de « filières courtes » a principalement été porté par la filière « Paille » sur l’ensemble du territoire national. Ce concept de filières courtes s’évalue selon plusieurs catégories d’impacts, à savoir la distance (zone d’approvisionnement de la matière première et sa transformation), la nature du produit fini, la zone géographique de production et de marchandisation, la zone de marchandisation et de mise en œuvre, la situation du chantier et la présence de professionnels locaux.
L’investissement nécessaire à la transformation de la matière première revêt un aspect crucial. Selon la nature du produit fini, les étapes de transformation peuvent infliger des investissements lourds. Pour des questions de seuil de rentabilité on peut être amené à éloigner la zone de marchandisation. C'est le cas du béton de chanvre en bloc qui
nécessite une défibreuse, une unité de fabrication de chaux ou ciment prompt ainsi qu’une presse de façon à façonner les blocs. Il en est de même pour l’approvisionnement de chanvre qui ne pourra être fourni près de l’unité de transformation pour des questions entre autres de prix d’achat, si le chanvre n’est pas optimisé dans sa valorisation. En effet, la fibre ne répondra pas à un modèle économique fiable mis en concurrence avec d’autres cultures. Par contre, si l’on prend le cas du lin textile, celui-ci, de par sa diversité de produits, sera en capacité de répondre aux exigences des agriculteurs comme des teilleurs.
Les résultats furent probants non seulement dans la dimension thermique du produit mais aussi dans sa capacité à réguler l'humidité. Ce travail a fait l'objet d'un rapport final, disponible sur notre site.
https://www.yserhouck.org/wp-content/uploads/sites/1601/2020/04/brochure-p2ar.pdf
Forts de ces premiers résultats, nous sommes passés à une seconde étape de mise en œuvre, avec des exigences accrues.
Il nous fallait maintenant prouver que les anas de lin étaient susceptibles de s'utiliser comme une ouate de cellulose ou une laine minérale selon le DTU 45.11.
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