Ils étaient autrefois nombreux dans nos pâtures et le long des rues. Régulièrement émondés, ils formaient de grands fûts bien droits et leur bois, recherché notamment par la marine, se vendait fort cher. A tel point qu’il était peu utilisé sur place où charpentes et meubles étaient le plus souvent en orme, seuls les édifices bourgeois et le mobilier de prix utilisaient du bois de chêne. Les branches, elles servaient de bois de chauffage qui donnait beaucoup de chaleur, c’est pour cela également qu’il n’était pas rare de trouver des chênes traités en têtard.
Le bois de chêne, dense et à la belle couleur jaune contient le tanin qui préserve le bois de la pourriture, c’est lui qui donne sa valeur au bois, matière d’œuvre des grands voiliers (il fallait 2 000 arbres pour la construction d’un bateau). Et aujourd’hui encore son bois reste recherché et sa valeur augmente sans cesse au point qu’en 1990 1m3 de bois d’un chêne de 50 cm de diamètre se vendait 800F H.T. (400F en 1975) pour 250F pour le hêtre et 180F pour le pin. Le tanin du chêne a été également longtemps indispensable pour le tannage des peaux destinées à devenir du cuir.
Le chêne aime avoir de la place pour pousser et sa racine pivotante pénétre profondément le sol -l’absence de grosses racines traçantes à fleur de terre fait qu’il n’y a pas grand danger à le planter près des édifices contrairement au peuplier par exemple. La Flandre est le domaine du chêne pédonculé qui se plaît dans les terrains humides (mais pas trop), qui aime le climat océanique et est un solitaire. Pédonculé car son fruit le gland, est fixé à l’extrémité d’un long « pédoncule » sa feuille par contre n’a pas de pétiole (elle est directement attachée à la branche). Il atteint une hauteur de 35 mètres et aime pouvoir s’étaler librement.
Dans nos régions tempérées croit également le chêne rouvre qui lui préfère les sols meubles, bien drainés et la vie en groupe au sein d’une forêt. Son gland n’a pas de pédoncule mais à l’inverse sa feuille est attachée à la branche par un long pétiole. Le chêne rouvre s’élèvera lui à 45 mètres mais son bois est moins dense et par là moins solide. Les 2 espèces s’hybrident facilement et il est possible de trouver des intermédiaires entre les 2 variétés. Quels qu’ils soient les chênes poussent lentement mais vivent vieux ; couramment 3 ou 4 siècles, ils sont alors souvent impressionnants. Certains individus ont même un âge bien plus avancé, le plus vieux chêne de la planète aurait 4 000 ans, le chêne d’Allouville, en Normandie a lui 1 300 à 1 400 ans.
Aujourd’hui on ne rencontre plus guère, dans nos pâtures, de ces vénérables chênes et ceux qui subsistent ont bien souvent la cime desséchée. Mal élagués, la sève qui se répand dans les branches basses n’atteint plus le faite et on obtient ce que l’on appelle une descente de cime, c’est alors le début d’une mort lente pour l’arbre.
Le chêne si placide est pourtant d’une grande vigueur au point qu’il pourra lorsqu’il est en végétation pomper quotidiennement 200 litres d’eau. Eau qui montera certains jours de 7 mètres à l’heure. Si une bonne partie de cette eau qui se disperse dans toutes les parties de l’arbre s’évaporera, une autre belle quantité, additionnée au gaz carbonique, se transformera en sève et oxygène grâce à l’action conjuguée du soleil et de la chlorophylle.
Et ce chêne plein de force donnera les bonnes années quelques 50 000 glands, c’est beaucoup trop pour assurer sa descendance mais ces glands sont une aubaine pour les animaux de la forêt ; petits rongeurs et gros sangliers. Dans le passé, l’homme aussi appréciait le fruit du chêne qui engraissait ses porcs à l’automne et qui lui permettait même de survivre les années de disette. Cuit à l’eau ou grillé il constituait un aliment riche (mais pas forcément très agréable au goût), réduit en poudre, il était mélangé à la farine de céréale et incorporé au pain.
Les anciens manuels de médecine naturelle recommandent l’écorce de chêne comme remède contre les diarrhées, dysenteries et hémorragies ou comme febufrige « employée en décoction… elle coupe les fièvres d’accès simple, surtout si l’on a soin de faire précéder son emploi par un léger vomitif, suivi d’un purgatif » ! Pas étonnant que les fièvres fussent coupées avec de tels remèdes. L’écorce de chêne était également recommandée, en externe, pour hâter les cicatrisations et guérir les gerçures.