YSER HOUCK Pour le patrimoine flamand

L’aubépine

L'aubépine est tout comme la Flandre, à la fois rude et combative, verdoyante et éclatante, parfumée et bienfaisante.

Crataegus (grec : Cratos aigon = force des chèvres), wittendorne (épine blanche) ou haghedorne (haie d'épine).

L'aubépine, arbuste buissonnant, symbole de nos haies flamandes, a les branches hérissées de longues épines de couleur blanchâtre ce qui lui doit son nom flamand. De ravissant bouquets de fleurs blanches apparaissent fin avril début mai, diffusant le long de nos chemins un fort parfum qui rappelle l’odeur de l’amande amère. Chaque fleur se compose de 5 pétales entourant de délicates étamines rouges. Les feuilles pennées vertes sombres de 2 à 5 cm sortent en mars / avril avant le fleurissement (contrairement au prunellier qui fleurit avant la feuillaison ). Les fruits de l'aubépine mûrissent en septembre, ils ont la forme d'un petit tonnelet de couleur rouge et leurs ont valu le nom de cénelle, mot dérivé de cocicnella, la cochenille qui fourni l'écarlate, coccinus. Les graines que contient la cénelle ont une période de germination très longue qui peut aller jusqu'à 18 mois. Les oiseaux qui en sont de grands consommateurs sont le principal vecteur de dissémination, par fientes interposées. L'écorce des sujets âgés est légèrement fissurée. On trouve l'aubépine partout en Europe jusqu’à 1500 mètres d'altitude. Elle n'a pas vraiment d'exigence en ce qui concerne la nature du sol avec néanmoins une préférence pour les substrats lourds et argileux. C'est dire si elle se plaît chez nous. La longévité de l'aubépine est supérieure à 300 ans, le village de Bouquetot dans le département de l'Eure peut se vanter de posséder un exemplaire de 2m50 de circonférence qui aurait plus de 500 ans. On rencontre en Flandre deux espèces d'aubépine, la monogyne (monogyna) dont le fruit ne contient qu'une graine et dont les feuilles sont très découpées (7 lobes) et l'aubépine commune (oxyacantha, du grec épine aigue) qui l'est pourtant beaucoup moins. Le fruit de celle-ci contient 2 à 3 graines et les feuilles se divisent en 3 lobes principaux.

L'aubépine, arbuste aux épines acérées, forme de très efficaces haies défensives. Son bois dur et de teinte rougeâtre convient à la fabrication de manches d'outils tournés. Les boulangers d'antan chauffaient leur four avec des fagots d'aubépine. Les oiseaux l'apprécient aussi, elle leur procure un abri où ils peuvent nidifier sans crainte des prédateurs et les cenelles leur donnent les vitamines indispensables pour affronter les rigueurs de l'hiver.
On a utilisé l'aubépine également comme porte-greffe en particulier pour les trop rares néfliers, le résultat saisissant de ce mariage donne des arbres trapus dont les branches s'entremêlent dans tous les sens et que l'on appelle chimères par comparaison avec les êtres fabuleux de la mythologie.
Mais les qualités de l'aubépine ne s'arrêtent pas là, dès le premier siècle de notre ère, le médecin grec Dioscoride mit en évidence ses vertus thérapeutiques. Celles-ci furent vérifiées scientifiquement en Amérique à la fin du siècle dernier. Fleur, fruit et écorce sont tonicardiaques, astringents, diurétiques et sédatifs. Les parties utilisées sont les fleurs séchées, les fruits frais ou séchés et l'écorce réduite en poudre. Une tisane de fleurs prise pendant une semaine régule l'activité cardiaque, diminue la tension et combat l'insomnie. Une décoction de cénelle produit les mêmes effets et lutte de plus contre les maux de gorge. L'infusion de fruits séchés stoppe les diarrhées. Ces propriétés sont exploitées tant en médecine conventionnelle qu'en médecine homéopathique sous forme de teinture, d'extrait fluide ou de comprimé.
De plus, il faut savoir que la cénelle contient du carotène, des vitamines B et C. Beaucoup de potassium, du phosphore, du calcium, de l'aluminium et de la pectine, matière gélifiante. On peut d'ailleurs en faire de la marmelade ou de la gelée. Dans un livre des plantes daté de 1831, on précise que les cenelles peuvent être utilisées pour fabriquer du pain, des galettes, les graines rôties peuvent servir de substitut au café et les feuilles de substitut au tabac. Les jeunes feuilles peuvent également être consommées en salade.

Mais les vertus de l'aubépine ne sont pas que médicinales. Pour le peuple celte, il s'agissait d'un arbre sacré dont la destruction présageait une catastrophe imminente pour son auteur. L'aubépine aurait le pouvoir d'éloigner la foudre, on peut s'y abriter en cas d'orage. Pour la chrétienté, l'aubépine est tout un symbole, en effet les fleurs blanches aux étamines rouges représentent la vierge Marie (blancheur immaculée, gouttes de sang). C'est pourquoi le mois de mai où l'aubépine est en fleur est aussi le mois dédié à Marie. De plus, la couronne d'épine du Christ serait constituée d'un rameau d'aubépine. L'aubépine est enfin symbole de bonheur, de prospérité et de fidélité conjugale. Le chevalier avant de partir en croisade offrait à sa mie un bouquet d'aubépine signifiant qu'il lui resterait fidèle durant son absence. Mais hélas, une malédiction s'est abattue sur le joyau de nos haies flamandes, sensible au feu bactérien, maladie qui peut se transmettre aux pommiers, l'aubépine a subi de très nombreux arrachages pour limiter la contamination.