Entamons une nouvelle thématique avec les bâtiments du centre de nos villages.
Episode 45 : Devantures de magasins et ateliers
Au cours des nombreux épisodes de cette série sur les petits détails architecturaux, j'ai tenté de vous apprendre à observer l'architecture de la Flandre. Trop fréquemment nous passons dans les villes et villages sans prêter attention aux bâtiments qui nous entourent car nous sommes trop habitués à eux. Je vous ai certainement prouvé ici que vous ne connaissiez pas assez notre architecture justement !
Abordons ici un nouveau détail architectural flamand lié au mode de vie de nos anciens : les magasins et échoppes. Leur façade se reconnaît facilement pour qui pose les yeux dessus et analyse un peu ce qui l'entoure.
Les différents métiers pratiqués auparavant dans nos campagnes n'est plus la même aujourd'hui. Tout était produit sur place en ce qui concerne la plupart des matériels, outils, vêtements etc. Tout cela était vendu dans d'innombrables petits commerces qui se trouvaient dans tous les villages. Ces commerces ou ateliers, assez modestes, étaient souvent gérés par une ou deux personnes.
L'atelier le plus reconnaissable est certainement celui du forgeron avec sa forge caractéristique. Mais d'autres métiers nécessitaient eux aussi des ateliers comme le charron, le menuisier ou encore le tonnelier (nous aborderons ces vieux métiers dans une prochaine rubrique !). Cet atelier avait toujours l'aspect d'une petite grange attenant à la maison.
D'autres métiers d'ailleurs, s'exerçaient au sein même de la maison qui était transformée en boutique comme le tailleur, le teinturier ou la modiste. Certaines échoppes étaient même munies d'une vitrine pour présenter les produits. C'était le cas du cordonnier par exemple.
Quand vous passerez dans le centre de petits villages, ouvrez les yeux ! Des maisons aux grandes baies vitrées anciennes peuvent être le signe d'une ancienne vitrine d'échoppe, des façades travaillées avec des armatures en bois, de larges bandes grisâtres au-dessus de la porte et des fenêtres peut indiquer l'ancien emplacement du nom du commerce.
Vous trouverez facilement sur les anciennes cartes postales l'emplacement de nos anciennes échoppes et ateliers. Nos petits commerces quasi inexistants aujourd'hui étaient pourtant nombreux.
Episode 46 : Les cafés
Autrefois appelé cabaret, ou herberg (auberge) en flamand, les artisans ouvraient quasiment systématiquement au XIXe siècle un café en marge de leur activité principale. Ils étaient donc très nombreux dans les villages : dans les années 1870, à Oudezeele, le village comptait au moins 20 débits de boissons pour 215 familles (soit 886 habitants) ! Au XIXe siècle, il n'était pas rare de compter un débit de boisson pour 10 familles !
A une époque où les déplacements se faisaient, pour la plupart des gens, à pied, il fallait des endroits où se désaltérer, manger et dormir. Pour cela, les cafés étaient souvent des bâtisses à étage. Plus vaste que les autres maisons du centre village, l'auberge pouvait abriter un grand nombre de villageois à l'occasion de fêtes de village. Ces constructions à étages étaient rares et il n'en subsiste que quelques exemples et datent du début du XVIIIe siècle.
Mis à part cette élévation caractéristique, son aspect architectural se rapproche d'une demeure de style flamand. Les murs étaient construits en torchis mais furent souvent reconstruits en briques par la suite. En façade, de nombreuses fenêtres sont alignées. D'extérieur, ils sont aussi souvent reconnaissables à un coin de pignon « coupé » où se trouve la porte d'entrée.
A l'intérieur, ces cafés et auberges offrent un espace de vie chaleureux. Le sol est souvent en plancher (sur une cave pouvant s'étendre sur toute la longueur du bâtiment), le plafond est posé sur des poutres, les mêmes qui tiennent la façade. De vastes cheminées complètent l'intérieur avec certains murs couverts de boiseries.
Ces cafés ont rythmé la vie quotidienne de générations de Flamands que ce soit dans la vie du village, lors de voyages ou simplement pour se retrouver. Véritables centres de la vie économique, lieux d'échange de marchandises, c'est là que l'on traitait des affaires.
Episode 47 : Les écoles (De schoolen)
Également situé dans le centre du village pour des raisons évidentes, l'aspect des écoles a changé avec la Révolution Française. Auparavant, l'enseignement était dispensé par le maître au sein même de sa maison. L'État a imposé, à partir du XIXe siècle, la construction de bâtiments dévolus à cette fonction.
Dans une loi de 1840, l'Etat imposa que les salles de classe soient assez grandes pour accueillir toute une classe soit égales à 0.12 m² par habitant de la commune. Elles devaient aussi être bien éclairées et saines d'où les vastes fenêtres et les plafonds hauts. La cour de récréation close était équipée de toilettes construites à l'extérieur. Le logement du maître était toujours attenant à la classe avec un vaste jardin ayant un but pédagogique et dont l'usufruit était octroyé à l'enseignant. Proche de l'église, l'école était également le lieu d'un enseignement religieux, qui était aussi dispensé par l'instituteur.
C'est à partir de 1853 que les garçons et les filles durent être séparés (pour les communes de plus de 800 habitants). On construisait alors une seconde école à l'écart de la première. Les façades arboraient souvent quelques décors de briques et annonçaient par un large bandeau de mortier s'il s'agissait d'une école pour filles ou garçons. On peut encore apercevoir aujourd'hui, sur le toit des écoles qui l'ont conservé, le clocheton qui abritait la cloche qui rythmait la journée de classe. Beaucoup d'entre elles gardent aujourd'hui leur fonction première et sont souvent des bâtiments assez bien conservés.
Episode 48 : Les presbytères (de pastorien)
Sous l'ancien régime, les curés de campagnes n'étaient pas les plus riches et vivaient des revenus octroyés par la quête lors de la messe, leur servant à se nourrir et se loger. Ainsi, leur demeure n'était, pour la plupart du temps, qu'une simple chaumière. S'ils n'ont pas d'architecture typique, la plupart des presbytères (aussi appelés maison curiale) en Flandre ont été construits au XIXe siècle après la Révolution Française, lorsque les communes eurent la charge d'héberger les prêtres de la paroisse. Pour une région aussi fervente et pratiquante, leur donner un logement soigné et solide (en briques) fut un devoir. La demeure est donc vaste, généralement à étage et le plus souvent construite face à l'église pour des raisons plus que logiques. Si ce n'est pas le cas, il arrivait que ces presbytères soient reliés à l'église par un chemin privatif (elle n'était donc jamais très éloignée). Elle est entourée d'un grand jardin, isolée des regards par une belle haie et le portail est plein et surmonté d'un auvent.
Aujourd'hui, la beauté architecturale ou l'histoire de ces presbytères a pu mener au classement aux Monuments historiques de bon nombre de ces bâtiments en France.
Episode 49 : Les sécheries à chicorée (chikoreidroogerie)
Au début du XXe siècle, avec le développement de la force motrice dans les campagnes, de petites entreprises d'une architecture particulière se développèrent. C'est le cas, en Flandre Maritime, des sécheries de chicorée. La France est le premier producteur de chicorée d'Europe et le Nord-Pas-de-Calais, premier producteur de France. La Flandre Maritime (Saint-Omer – Calais – Dunkerque) produit à 80% la chicorée pour la région ! Bien qu'elle ait fortement chuté, sa production se poursuit aujourd'hui. Avec un impact économique considérable pour la Flandre, la chicorée a également marqué le paysage avec ses sécheries. En 1943, il y en avait 226 dans le Nord. Une majorité d'entre elles ponctuent encore nos paysages.
Ces bâtiments en briques à l'aspect soigné ne manquent pas parfois d'être décorés de briques de couleurs. Ils ont l'aspect d'un grand rectangle en briques, le plus souvent jaunes : nous sommes en Flandre Maritime. Ils sont généralement à étages, avec des fenêtres peu nombreuses à différents niveaux. Pourvus d'une toiture plate ou peu pentue, on reconnaît la sécherie aux nombreuses cheminées carrées sur les toits terrasses ou aux cheminées aux longs conduits d'échappement au niveau des faîtages quand la toiture est à deux pans.
Ces sécheries ne fonctionnent que quelques semaines dans l'année, à partir de fin octobre (en fonction des récoltes). Comme leur nom l'indique, ces bâtiments ont pour fonction de dessécher les racines de chicorée avant la torréfaction (qui se déroule dans des « fabriques »). Lors de son assèchement, la racine perd 75 à 80% de son poids !
Les bâtiments étaient composés de trois parties : un lieu de stockage et de refroidissement de la chicorée, la sécherie proprement dites aussi appelée « touraille » (comme pour le houblon) et enfin le logement des ouvriers.
Elles furent, pour la plupart, construites par des agriculteurs ayant les moyens de financer ces travaux au début du XXe siècle. Mais ces entreprises déclinèrent avec le temps à partir des années 1960 et il n'est pas rare de voir leurs bâtiments réutilisés en logements de nos jours. Pour autant, leur architecture atypique est reconnaissable.