Rien de plus simple que les ruches d’antan puisqu’elles n’étaient ni plus ni moins qu’un panier en paille, sans anse. Et pour fabriquer ces ruches il suffit d’un peu de paille (de seigle de préférence, car plus longue et plus solide) que l’on glisse dans un gros entonnoir pour obtenir un brin épais comme le pouce. A la sortie de l’entonnoir on serre la paille à l’aide d’une lanière de ronce verte. Il faut auparavant avoir ôté les épines et débité la ronce en longues bandes, ce que l’on obtient aisément parait-il ! La corde de paille ainsi obtenue et ensuite enroulée en spirale est fixée à l’aide d’un gros fils de lin qui lie les cercles entre eux, ceci pour obtenir un panier rond.
Le panier bien brossé chaque hiver est frotté au printemps avec de jeunes pousses de fèves ou d’ail ou, à défaut, d’une gousse d’ail, avec quelques gouttes d’eau bénite. Il fera un logis bien accepté par les abeilles.
C’est vers le mois de mai que le biekorf trouvera des locataires, c’est en effet l’époque où les essaims quittent la ruche mère à la recherche d’un nouveau logement. L’apiculteur doit être particulièrement à l’affût les jours de grandes chaleurs, journées que les abeilles choisissent de préférence pour émigrer. Lorsque l’essaim quitte la ruche, il faut faire du tapage avec des objets métalliques, nous dit Charles MONSTERLEET de Noordpeene, pour les inciter à se poser rapidement et ne pas trop s’éloigner.
Charles, certainement un des derniers apiculteurs à utiliser encore le biekorf, nous explique que l’on disait alors « Koning van Zwerm Verbieden gyn van voorder te gaen » – « Le roi des essaims t’interdit d’aller plus loin ». Une fois l’essaim posé sur une branche, l’apiculteur vient avec son biekorf le cueillir, il suffit de poser le panier sous l’essaim, de l’y faire tomber, de le recouvrir ensuite d’une planche puis de le retourner.
Les abeilles se mettent alors à construire leur ruche. Dans le biekorf point de cadre sur lequel les abeilles construisent leurs alvéoles, les paniers sont totalement vides à l’exception de deux branches croisées sur lesquelles les abeilles poseront « les gaufres ».
Les abeilles étaient réputées être proches du surnaturel et de Dieu, parce qu’elles fabriquaient la cire des bougies des églises mais aussi par leur organisation intelligente, par la perfection de leur travail qui touchent à l’extraordinaire(1). Charles nous dira que les essaims qui sont cueillis les jours des Rogations, Kruisdagen en flamand, feront des gaufres croisées, alors que dans tous les autres cas, elles seront en long -les rayons seront croisés au lieu d’être parallèles entre eux- Charles a constaté plusieurs fois cette anomalie.
Abeilles, créatures proches de Dieu, les apiculteurs ne manquaient jamais de venir les avertir lorsqu’un décès survenait dans la maison. Monsieur MONSTERLEET le fit lorsqu’il perdit un petit enfant alors qu’il était jeune marié. Il leur dit « nus kind is dood » (notre enfant est mort) en tapotant les ruches de la main. « Elles se mirent alors à battre des ailes, toutes ensembles pendant un long moment, c’était émouvant. » Il nous dit aussi qu’un de ses proches qui avait deux ruchers, avait négligé d’avertir d’un décès les abeilles situées dans le rucher le plus loin de la maison, et que celles ci étaient toutes mortes peu de temps plus tard.
Les essaims qui prennent possession d’un nouveau panier sortent devant l’entrée les premières alvéoles fabriquées » Pour nous les offrir ? » se demande Charles. Les abeilles, ouvrières infatigables se débrouillent fort bien pour installer leur demeure dans un panier, pourtant l’apiculteur veille. Ainsi lorsque les abeilles essaiment tard en saison ou lorsque l’été est particulièrement froid et humide, l’homme leur prépare un sirop de sucre « pour les aider ». Charles les aide également à éviter l’incursion des guêpes ou des grosses mouches dans le panier car ces insectes peuvent causer des dégâts dans la ruche. Il pose des pièges à guêpes prés du rucher.