Le torchis n'est presque plus utilisé comme matériau de construction , aussi les personnes qui savent encore confectionner le torchis sont rares.
Pourtant pendant des millénaires, le torchis fut la base de la plupart des habitations dans les pays d'argile et donc en Flandre. Ce matériau aujourd'hui pratiquement abandonné présentait pourtant de nombreux avantages, le premier, déterminant était le faible coût des matières premières, quasiment nul puisque la base du torchis, l'argile se trouve partout.
Mais le torchis a bien d'autres qualités : excellent isolant thermique il protège du froid comme de la chaleur, c'est également un isolant phonique. Par ailleurs matériau élastique, il supporte les déformations consécutives aux périodes de sécheresse, comme celles que nous avons vécu ces dernières années, aux affaissements de terrain ou même aux secousses sismiques. Si le torchis sensible à l'humidité se détériore rapidement en cas d'infiltration d'eau, il peut sans inconvénient être réparé, « rapiécé » sur de petites surfaces comme sur de grandes. Correctement entretenu le torchis peut durer indéfiniment, pourtant on conçoit difficilement de reconstruire aujourd'hui en torchis , à cause des soins qu'il nécessite.
Quoiqu'il en soit, il serait dommage de perdre ce savoir faire, fruit d'une expérience qui se perd dans la nuit des temps. La pose du torchis proprement dite est presque l'ultime étape de la construction c'une chaumière ou d'une étable.
Le gros du travail est l'affaire des travailleurs du bois : charpentiers, menuisiers qui édifient la maison comme une cage à l'aide de poutres chevillées. Une fois l'armature posée, il s'agira de coller des entretoises horizontales, tous les 50 cm environ, entre 2 poutres, il s'agit de planchettes de bois effilées aux deux extrémités qui se ficheront dans les trous préparés dans les poutres. Les planchettes sont d'ailleurs généralement posées au fur et à mesure de la mise en place des montants verticaux, ainsi elles seront bloquées et il est impossible de les ôter, à moins de les casser.
Ces planchettes d'une longueur de 50 cm environ sont par ailleurs très solides. Il est très difficile de les casser même après plusieurs siècles. C'est d'elles que dépend la solidité de la portion de mur entre deux montants. Des lames de branches de saule sont en suite enfilées verticalement entre les planchettes, elles serviront de support au torchis. Le façonnage de ces lames demande un savoir faire et un traitement particulier quasiment perdu à ce jour.
Les branches de saule utilisées doivent être bien droites pour permettre de faire des lames régulières. Pour cela on liait les branches en bottes bien serrées et afin que le bois devienne dur et fende facilement on l'immergeait durant 6 mois dans une mare. Les branches sèches sont cassantes, les branches fraichement coupées se déforment en séchant. Retirées de la mare, les branches sont fendues à l'aide d'un couperet que l'on enfonce dans sa longueur avec un mouvement tournant. Pour arriver à fendre une branche en 3, 4 lamelles ou même d'avantage sur toute sa longueur, il faut avoir une grande habitude et avoir un tour de main qui n'est pas du tout évident. Un débutant gâchera beaucoup de bois. Ce travail était réservé à des spécialistes qui posaient le treillis de lames en les croisant, en les bloquant parfois à l'aide de liens en osier. Des types de treillis similaires servaient à confectionner des clôtures souples, résistantes, facilement transportables pour parquer le petit bétail (porcs ou moutons).
Une fois le treillis en place il ne restait plus (si l'on peut dire) qu'à remplir les murs de torchis, c'était le travail des maçons. L'argile, matière de base, était prélevée sur place, en général dans une pâture voisine de la construction. Pour se faire on ôtait à la bêche les mottes de gazon qui étaient soigneusement conservées. On ôtait encore quelques centimètres de terre arable et très vite on arrivait à l'argile qui était prélevée. A la fin du chantier on remettait en place la terre arable puis les mottes de gazon, non sans avoir déposé auparavant les déchets, les anciens torchis… au fond du trou.
La confection du torchis se faisait sur une surface propre et homogène, l'aire à battre d'une grange par exemple. Divers ingrédients entre dans sa confection. Pour 5 mesures d'argile on met en général une mesure de sable gras et une mesure de chaux, pour lier le tout on ajoute de la paille d'avoine hachée en fétus de 5 à 10 cm, de la paillette de lin, du « cheffe » et parfois des poils de vache notamment pour les plafonds. Pour bien se travailler l'argile doit être humidifiée depuis plusieurs jours. Les maçons préparaient le matin l'argile nécessaire pour toute une journée, il n'y avait pas à craindre qu'il durcisse rapidement comme le ciment. Après avoir fait leur mélange, ils devaient travailler longuement le torchis à l'aide d'une houe jusqu'à ce qu'il n'y ait plus de boules d'argile, que l'ensemble soit bien homogène. Le torchis, suffisamment mouillé était déposé au fur et à mesure des besoins dans un ancien tonneau de bière récupéré dans une brasserie et coupé en deux. Puis il était taloché sur le treillis, un torchis bien préparé collait admirablement sur les murs et le travail avançait alors très vite.
Le premier jour les maçons posaient une grosse couche d'argile sur une face du mur. Quelques jours plus tard lorsque cette couche était sèche, ils déposaient une couche sur l'autre face et mettaient une couche de finition sur la première face.
Le mur terminé avait généralement une quinzaine de cm d'épaisseur. Il était finalement enduit d'une couche de chaux vive, qui donne la couleur blanche. Les poutres étaient entaillées de petits coups de ciseau à bois afin que l'argile y adhère bien. Le bon dosage d'humidité était primordial pour que le torchis adhère bien mais aussi qu'il ne se fende pas en séchant. Un torchis bien préparé se pose bien plus facilement que du plâtre ou du ciment.