Après avoir fait le tour des petits détails architecturaux autour de la maison, découvrons ou redécouvrons les petits bâtiments de villages et les dépendances des maisons flamandes.
Épisode 26 : La grange
La grange est certainement le bâtiment annexe le plus répandu et le plus présent dans nos esprits. Présente principalement dans les corps de ferme comme bâtiment à part entière, on la retrouve également dans le prolongement des maisons d'ouvriers ou d'artisans.
Dans ce cas, elle était de petites dimensions, mais dans les corps de ferme elle en imposait par sa taille. Une taille que l'on mettait à profit en plaçant la grange de sorte qu'elle protège la maison principale, la cour et l'étable (que nous verrons au prochain épisode!) du vent venu de l'ouest. Elle était elle-même protégée par une rangée d'arbres quand la place le permettait.
Comme son nom l'indique elle sert donc à engranger les grains et récoltes en tout genre (céréales, colza, lin, foin …). Dans tous les cas, elle était construite de la même manière : une aire à battre située au milieu et entourée de chaque côté de surfaces de stockage. La grange est reconnaissable par ses dimensions mais également par ses portes en bois caractéristiques. Ainsi, elle est munie d'une grande double porte qui est assez grande (facilement 4 mètres de hauteur) pour faire pénétrer les chariots remplis de ballots de foin et les décharger sur place. Pour agrandir la hauteur de ces portes, il arrivait qu'on supprime le auvent de toit (voir précédemment dans l'épisode 18) avec pour inconvénient que celles-ci recevaient davantage de pluie. Elles n'étaient par très larges pour autant (1,50 mètres au maximum) mais très lourdes et offraient une grande prise au vent.
Les portes côté ouest permettaient donc de rentrer les chariots et les récoltes à stocker. Des portes identiques donnaient à l'est, côté cour, pour permettre de sortir les chariots déchargés. Elles n'avaient donc pas besoin d'être aussi hautes et se limitaient parfois à 2 mètres. Dans les deux cas, pour permettre aux habitants de passer sans avoir à ouvrir les grandes portes, on perçait dans l'une des parties, une petite porte (la plus petite possible car cela affaiblissait la grande porte). Elle ne descendait pas jusqu'à terre avec l'avantage de ne pas laisser les animaux rentrer facilement si on la laissait ouverte. Petite astuce pour diminuer sa surface : on la terminait quasiment toujours par un chapeau de gendarme (forme arrondie).
Le sol en terre battue était recouvert d'une épaisse couche de foin qui absorbait l'humidité. Dessus, les bottes de paille ou de foin étaient empilées jusqu'à toucher le faîte du toit. Les plus grandes granges atteignaient les 8 mètres de hauteur pour 40 mètres de long et 6 mètres de large.
La plupart des granges étaient en bois (en planches à clin) avec un soubassement en briques rouges (jusque 1 mètre). Il ne s'agissait donc que d'une grande bâtisse en bois, donc très légère avec une bonne prise au vent. Heureusement les récoltes engrangées permettaient de la lester mais aujourd'hui elles souffrent énormément des bourrasques et tempêtes. Certaines d'entre elles avaient un pignon en briques, sur lequel on retrouvait généralement un trou à hibou (épisode 13). La couverture était auparavant en chaume, remplacée par la suite par des tuiles, trop lourdes et qui sont aujourd'hui la cause de la déformation de la charpente.
Malheureusement, les granges sont aujourd'hui en phase de disparaître totalement depuis quelques dizaines d'années seulement. Devenues inutiles et encombrantes, elles sont rasées ou délaissées et tombent en ruines.
Épisode 27 : Les étables
La ferme traditionnelle se compose quasiment systématiquement d'au moins 3 bâtiments : la maison principale, la grange que l'on a abordé à l'épisode précédent, mais également l'étable. Elle se situe généralement de l'autre côté de la cour, à l'opposé de la grange.
D'apparence, les étables s'apparentent à l'architecture des maisons principales. Elles sont plus ramassées que les granges, elles n'ont pas besoin d'être aussi hautes. Grâce également aux matériaux utilisés pour leur construction, ces bâtiments sont plus robustes que les granges en bois. En effet on utilise de la brique et du torchis tout comme pour les habitations. Peu large, elles sont assez longues, ayant pour mission d'abriter tout le bétail. Elles s'adaptent donc à la taille du troupeau dans les grandes fermes.
Il existe plusieurs types d'étables, placées le plus souvent les unes après les autres de façon mitoyenne : l'écurie (pour les chevaux), l'étable (pour les vaches) et un espace pour les jeunes bêtes ou les porcs. Chaque étable est séparée de sa voisine par un mur et il n'est pas rare que l'on installe dans un coin des toilettes (reconnaissable au cœur creusé dans la porte). A l'extérieur, on repère aisément chacune de ces parties par la porte qui permet d'y accéder, pour cela plusieurs portes peuvent se suivre en façade. Dans tous les cas, il s'agit de portes en deux parties : une partie basse plus haute (1.20 m environ) et une partie haute plus courte (0.7 m). La porte de l'écurie par contre est plus large que les autres.
Des petites fenêtres rythment également la façade. Ces petites ouvertures d'environ 0.5 m de côté permettent de laisser entrer la lumière mais également d'aérer l'étable. Elles ne sont pas vitrées mais disposent d'un volet intérieur qui coulisse si besoin.
Pour autant il est bon de préciser que certaines étables ne font pas l'objet de la construction d'un bâtiment à part entière. Il arrive que l'étable se situe dans le prolongement de la maison. C'est le cas surtout pour les écuries. Cela permettait de limiter la taille de l'étable principale si elle existait, mais surtout de conserver les chevaux au plus près du bâtiment principal pour pouvoir veiller sur ces animaux si importants et auxquels les Hommes sont si attachés.
Comme pour tous les bâtiments flamands, on y apporte soin et propreté. Ainsi, les boiseries étaient peintes, normalement de couleur gris clair tirant sur le bleu. Une couleur réservée aux dépendances puisque la maison avait droit à des couleurs plus chatoyantes comme le vert wagon, le rouge anglais ou le bleu.
Épisode 28 : Le chartil
Souvent intégré au bâtiment de la grange, dans sa continuité, le chartil (ou wagen kot en flamand) a pour fonction de protéger de l'humidité les charrues et autres machines ou engins agricoles. Il faut prendre soin de ces matériaux les plus importants et les plus coûteux pour garantir leur pérennité (un chariot représente un investissement très lourd pour l'agriculteur).
On reconnaît ces chartils à la particularité de leurs portes qui sont à claires voies à chaque extrémité. Il s'agit de portes dont un panneau au moins est composé de barreaux ou de lames espacées. Elles permettent de laisser circuler l'air et ainsi d'assécher le lieu, pour éviter que la moisissure ne s'installe et ne détériore le matériel (en bois). On y entreposait généralement deux chariots. Ces rangements relativement bas, adaptés à la hauteur de l'engin, étaient souvent surmontés d'un grenier à foin. Il est toujours très haut, très pentu et dans la plupart des cas recouvert de chaume. Ainsi, dans le pignon du chartil l'on disposait une porte afin de faciliter l'entrée et la sortie du fourrage.
Pour autant, dans les fermes les plus riches, le chartil pouvait se présenter comme bâtiment isolé, situé dans un coin de la ferme ou à l'arrière dans la pâture manoir. Ils disposent, dans ce cas, d'une toiture à 4 pans avec un toit très élevé par rapport aux murs, jusqu'à 2,5 fois plus grand (pour avoir un ordre d'idée, les maisons actuelles ont une toiture d'une hauteur sensiblement égale à celle des murs).
Ces chartils en bois ont bien souvent disparu aujourd'hui, ceux qui subsistent actuellement datent certainement du début du XVIIIe siècle.
Épisode 29 : les puits et citernes
Intéressons nous aujourd'hui à un détail architectural qui passe souvent inaperçu : les puits et les citernes. L'eau a posé de nombreux problèmes aux Flamands. Avec un sol argileux, les eaux stagnantes n'étaient pas rares. Combinée à cela, l'absence de nappe phréatique et de source a poussé les habitants à s'adapter. Avant l'arrivée de l'eau potable, au siècle dernier seulement, il n'était pas rare que les femmes aillent elles-mêmes chercher de l'eau dans les mares avoisinantes. Cette eau était conservée dans les puits et citernes situés autour de la maison.
L'eau servait à l'hygiène corporelle, laver le linge et la maison, mais également abreuver les animaux et cuire la nourriture. L'eau n'était bue que bouillie avec du thé (la bière était la boisson de base ici !). On pu également récupérer l'eau qui sortait des gouttières mais leur installation reste récente. Ces gouttières ont permis l'installation de citernes, construites en même temps que les fondations de la maison. Celles-ci, creusées dans la terre, demandaient un travail important et donc des fonds financiers élevés. De ce fait, les maisons modestes n'en disposaient pas. Elles étaient installées sous la maison, plus particulièrement sous la cuisine pour laquelle l'eau était indispensable.
Mais cette citerne ne peut exister que s'il existe des gouttières. Les chaumières ne pouvaient donc pas en disposer. Peu profondes, les citernes comme les caves sont voûtées en plein cintre en briques. Le sol est carrelé, facilitant son nettoyage. On pouvait compter une quinzaine de mètres cubes de réserve d'eau. Cela suffisait largement au nettoyage de la ferme. Elle était, qui plus est, rarement vide avec le climat des Flandres. Lorsqu'un trop plein se faisait sentir dans la citerne, un drain situé tout en haut du niveau possible évacuait l'eau vers un fossé voisin.
Pour puiser cette eau, une petite pompe était située das la cuisine. Une plus grande était souvent située à l'extérieur, sur le mur. La pompe en corps de fonte industrielle connue aujourd'hui est la seule que l'on peut retrouver en Flandre. Son utilisation généralisée date certainement d'il y a deux siècles. Auparavant, les Flamands devaient certainement se servir d'une grosse branche d'arbre creuse.
Les puits sont également fréquemment utilisés près des maisons et des fermes (on peut également les trouver sous les maisons). Ils puisent leur eau dans les nappes phréatiques dont le niveau varie selon les saisons. Ainsi, le puits n'a pas besoin d'être profond pour contenir de l'eau. Mais plus il l'est, plus sa contenance est grande et moins il a de chance de s'assécher. Comme partout, on retrouve en Flandre des puits surplombés par une margelle : c'est cette structure qui retenait le seau par une corde et permettait de le remonter. Il fallait un coup de main particulier pour le que seau tombe dans le fond en avant afin qu'il se remplisse d'eau. Il y a encore une cinquantaine d'années, il n'était pas rare de trouver ce genre de puits en Flandre.
Même si l'eau est aujourd'hui plus facilement accessible, il est toujours dommage de démolir ou reboucher ces points d'accès à une eau de proximité et bon marché. Qui plus est, leurs constructeurs ont mis beaucoup de temps et de savoir-faire à la tâche, ce sont également des témoins d'une époque aujourd'hui révolue et ces citernes et puits font donc partis de notre patrimoine.
Épisode 30 : Le séchoir à houblon
Voilà certainement un élément patrimonial que très peu de Flamands aujourd'hui connaissent. Présent seulement dans la région de Steenvoorde à Poperinge, ce petit bâtiment est lié, comme son nom l'indique, à la culture du houblon. Dès le Moyen-Âge, cette région se spécialise dans ce type d'agriculture.
Une fois les récoltes effectuées, le houblon, disposé en cônes doit sécher rapidement. C'est là que réside le problème de cette culture en Flandre. Les automnes y sont humides et brumeux, notamment en septembre au moment de la récolte. Lors de leur cueillette, les cônes de houblon ont une humidité environnant les 80 %. Il faut rapidement faire descendre ce taux à 10 % si l'on ne veut pas que le houblon ne fermente et que la lupuline qu'il contient (ce qui donne son goût si particulier à la bière) ne s'oxyde.
Dans les autres régions cultivant le houblon comme en en Alsace ou en Allemagne, il suffit de faire sécher les cônes de houblon à l'air libre. Ce qui n'est pas possible en Flandre. Il fallut alors trouver une autre technique de séchage. C'est à ce moment-là que fut mis au point la technique des tourailles : de petits bâtiments où l'on plaçait le houblon en hauteur dans un grenier en-dessous duquel on faisait brûler un feu qui chauffait l'air et permettait ainsi le séchage du végétal. Cette méthode avait pour qualité d'être bon marché, d'être facile à mettre en œuvre et assez rapide.
Ce bâtiment a l'apparence d'une petite maison. A l'intérieur, elle est découpée en trois pièces. La pièce principale sert à l'entreposage du houblon pour le sécher et a pour dimensions environ 2,40m². Ainsi une première pièce accueille le houblon vert et une pièce à l'arrière reçoit le houblon sec. On le reconnaît à l'ouverture sur son toit, une petite cheminée. On construisait généralement ce genre de bâtiment comme le reste du bâti en Flandre avec des briques. Mais il arrivait qu'on le construise avec de l'argile et des poils de cheval.
Lors de la construction de ce bâtiment, les maçons devaient s'assurer que les murs étaient parfaitement hermétique pour ne pas laisser échapper de chaleur. Il fallait également construire le séchoir aux abords de la houblonnière pour transporter facilement les récoltes, mais rester assez loin de l'habitation en cas d'incendie.
Cette technique pour sécher le houblon n'a pas évolué jusqu'à la fin du XXe siècle. Le principe reste de créer un courant ascendant d'air chaud qui séchera le houblon puis s'échappe, chargé d'humidité, par la toiture qui sera plus tard équipée d'une tourelle à la fin du XIXe siècle. Cette dernière tournait selon le vent comme une girouette, d'où son nom en flamand (de zotte) quand les Belges la nomme « fransche nonne » car, par sa forme, elle évoque la coiffe des religieuses françaises. Elles évitaient que le vent ne rabatte la fumée à l'intérieur du bâtiment.
Avec le temps, le combustible changea pour passer du bois à du charbon maigre. Il fallait veiller à ce que la température ne dépasse par les 70°C pour ne pas que le houblon brunisse. Pour augmenter encore la vitesse de séchage, on utilisa du souffre au cours du XIXe siècle. Il a été interdit, pour des raisons logiques, il y a déjà quelques années.
Épisode 31 : Les ponts
Parmi tous les petits détails architecturaux, les petits ponts de briques sont certainement les petits bâtiments les plus menacés. Ils ne se construisent plus et l'on n'en construira plus. En effet, leur mise en œuvre nécessitait beaucoup d'heures de travail de la part des professionnels et nécessitait un savoir-faire spécifique qui a quasiment disparu. De plus, pour la construction de ce type de pont ou d'éclusettes, il fallait un nombre très important de briques.
Il n'est pas rare de passer à côté sans s'en rendre compte n'est-ce pas ? Et pour cause, ils sont assez peu visibles et ne sont pas mis en valeur par leur fonction. Pourtant, l'esthétique de ces ponts n'est plus à prouver et ils deviennent de plus en plus rares.
Leur construction repose toujours sur la même conditions : une arche en arc de cercle en plein cintre, montée sur piedroits. Parfois en forme d'anse à panier, les arcs pouvaient être très importants et 6 mètres de diamètre n'était pas étonnant.
Ils supportent aujourd'hui des charges bien plus importantes que celles pour lesquelles ils sont prévus. A cela, est lié l'une des raisons de leur disparition. Les petits ponts de briques ne sont malheureusement plus adaptés aux engins agricoles et à certains voitures actuelles. Ils ne sont donc pas détruits par vétusté mais tout simplement pour élargir le passage. Ils peuvent également gêner au curage des ruisseaux … Il ne serait pas difficile de trouver d'autres solutions que leur simple remplacement et au passage, de leur abolition, si seulement l'on était conscient de leur intérêt architectural.
Par Salomé B.