La route est destructrice de nature, nul ne peut le nier ; elle constitue de vastes espaces stériles, elle est autant de barrages pour une multitude de petits animaux qui ne peuvent pas la franchir ou y risquent leur vie, elle strie le paysage de vilaines blessures, elle disperse dans son voisinage hydrocarbures, plombs et autres métaux lourds échappés des voitures. Pourtant et ça n’est pas le moindre des paradoxes de notre monde moderne, elle contribue largement à préserver un habitat à une flore et une faune fort dépourvues de refuges par ailleurs. La moitié des emprises routières et autoroutières sont constituées de zones vertes, ce sont les bas-côtés de routes, les fossés qui les bordent.
Comparés à une agriculture intensive qui ne concède plus le moindre espace à une nature libre, à des habitants qui privilégient la pelouse rase, l’allée en béton et les fossés sans « mauvaise herbe », les bords de route sont d’excellents biotopes pour une bonne partie des êtres vivants en Flandre. Les Belges ont trouvé que le tiers de la flore du pays a trouvé son biotope sur les accotements routiers, de même pour 40 espèces d’oiseaux et 25 espèces de papillons. Des chiffres sûrement très comparables aux nôtres.
Pourtant pour que ces dépendances routières puissent devenir de vrais refuges pour une nature qui s’appauvrit, il est nécessaire que l’homme, une fois encore n’y touche pas trop. Les fauchages doivent être rares et tardifs pour que les plantes puissent fleurir et donner leurs graines. Il faut également éviter les traitements chimiques.
Alors de très nombreuses plantes pousseront (plus de 400 plantes différentes ont été dénombrées), des plantes qui trouveront là un ultime refuge, des plantes souvent très colorées qui embelliront nos routes. Des fleurs qui offriront aux abeilles et aux papillons, pollen et nectar, lorsque les plantes cultivées (comme le colza ou les fèves) auront terminé de fleurir à la fin du printemps.
Toutes ces plantes attirent les insectes qui, comme les graines, fourniront de vastes garde-manger pour les oiseaux. Les sources de nourriture qui sont en même temps, pour les oiseaux qui nichent au sol, des endroits idéaux pour s’installer. Tel sera le cas pour l’alouette, la bergeronnette grise, le bruant jaune… Si quelques arbres et quelques haies bordent également la route ce sera une infinité d’espèces qui en profiteront. Les animaux terrestres aussi, tel que le muscardin, seront nombreux. N’avez-vous jamais remarqué la quantité d’oiseaux de proies qui planent au-dessus des autoroutes ou se perchent non loin ? Ils savent qu’ils y trouveront leur nourriture.
La végétation des fossés (on ne trouve plus de fossés que le long des routes !) est, elle aussi particulière et d’une grande variété, elle abrite une faune à la recherche d’humidité. Les escargots qui se raréfient aiment y vivre de même que les tritons et autres crapauds, à condition qu’ils n’y reçoivent pas de désherbants. Une autre bonne raison de conserver la végétation des fossés ; elle sert de support aux bactéries qui épurent les eaux usées que véhiculent les fossés.
Les plantes qui bordent nos routes se regroupent par affinités, et forment souvent des colonies qui s’étendent sur des dizaines de mètres. Fleurs multicolores qui s’épanouissent au long de l’été.
Fleurs blanches telles que :
La reine des prés spirée ulmaire, (filipendula ulmaria) grande herbe vivace qui en juillet donne une quantité de petites fleurs blanc jaunâtres et qui dégagent une odeur agréable et soutenue. Cette plante fort agréable affectionne les zones humides et les sols riches.
La berce spondyle (Heracleum Spondylium) cette grande ombellifère aux feuilles lobées qui peuvent atteindre 50 centimètres, aux tiges anguleuses profondément striées et velues.
Les fleurs blanches ou grandes ombelles de 15 centimètres de diamètre sont parfois rosées ou verdâtres, elles s’épanouissent tout au long de l’été au bord de nos routes car elles aiment nos sols humides et azotés.
La carotte sauvage (Daucus Corata) aux fleurs blanches en ombelles plus petites que la berce avec souvent une petite fleur rouge foncée au centre, elle a des feuilles profondément dentelées et préfère les sols plus légers.
On ne peut pas quitter les fleurs blanches de nos chemins sans évoquer la marguerite (Leucanthemum Vulgare), plante vivace qui pousse en touffe si facilement mais que l’on ne voit presque plus.
Fleurs rouges telles que :
Le coquelicot (Papaver Rhoeus) qui aime les sols nus et ingrats apparaît cependant par myriades sur les talus récemment recalibrés. Ses graines minuscules ont attendu durant des années le moment propice pour germer et les magnifiques fleurs rouges, si éphémères, donneront à nouveau une infinité de graines qui se disperseront au gré du vent en attendant une germination aléatoire dans un espace non traité.
Une autre fleur rouge pourpre beaucoup plus discrète se nomme l‘épilobe hirsute (Epilobium Hirsitum). Ces petites fleurs à 4 pétales, disposées en grappes s’ouvrent successivement de fin juillet à septembre, au sommet des longues tiges qui peuvent atteindre 2 m, l’épi lobe aime bien les endroits humides. C’est une plante vivace qui apparaît en petites colonies.
L’origan, marjolaine sauvage (Origanum Vulgare) nous offre ses fleurs pourpres disposées en fausses ombelles en haut de tiges dressées. On les aperçoit de juillet à octobre. Cette plante connue pour son odeur aromatique et ses vertus appétantes aime la chaleur, les sols riches en humus.
La consoude officinale (Symphytum Officinale) plante à poils durs aux grandes feuilles grossières ovales avec des fleurs en cloches qui varient du violet pourpre au rose presque blanc et s’ouvrent en mai juin. La consoude préfère également les terrains frais. Comme son nom l’indique, la consoude est réputée comme cicatrisante (consoude en latin « je consolide ») et ses vertus très nombreuses.
L’achillée millefeuilles (Achillea Millefoluim) aux feuilles très dentelées a des petites fleurs rose clair disposées en fausses ombelles qui s’épanouissent en juillet août. Appelée parfois « herbe au charpentier » ou « saigne nez », l’achillée fait tomber les fièvres, vertus que le héros grec Achille aurait découverte et qui lui a donné son nom. La plante, commune, dégage une forte odeur.
Fleurs jaunes telles que :
La tanaisie (Chrysanthemum Vulgare) plante vivace aux feuilles aussi fort découpées. Les fleurs jaunes ressemblent à un cœur de pâquerette on les trouve de juin à octobre. Toute la plante dégage une puissante odeur amère et camphrée. La tanaisie a, elle aussi, des vertus médicinales nombreuses : vermifuges, toniques, elle éloigne les puces des chiens ou chats.
Le millepertuis perforé (Hypericum Perforatum) aux petites fleurs élégantes, il fleurit de juin à octobre. La plante pas très haute, 30 à 60 centimètres, doit son nom aux tous petits points transparents qui parsèment les feuilles comme de minuscules trous. Ce sont en fait des glandes à huiles qui sont réputées comme antiseptique. La fleur jaune devient rouge lorsqu’on l’écrase ce qui donna lieu à bien des superstitions. Le millepertuis préfère les sols secs.
Les séneçons (Senecio) ressemblent à des marguerites jaunes avec des tiges se rapprochant de celles du chardon. Elles comprennent de nombreuses sous-espèces, sont très communes et fleurissent une bonne partie de l’année.
Les fleurs bleues (sans doute les plus rares) telles que :
Le compagnon du coquelicot et de la marguerite, le bleuet (Centaurea Cyanus) ne se rencontre plus guère, il affectionnait les sols légers.
La chicorée sauvage (Cichorium Intybus) se rencontre de temps à autre (elle est sans doute parfois évadée des champs de chicorée), les fleurs de chicorée sauvage qui s’épanouissent en juillet août s’ouvrent de 6 H à midi.
Les vesces (Vicia) sont des petites plantes aux tiges en vrilles et aux fleurs en grappes que l’on voit en juin-août, elles forment de petites colonies sur les bords des fossés. Elles aiment les sols argileux, azotés, profonds.
Nous n’avons là qu’un petit aperçu des fleurs si nombreuses qui ne demandent qu’à pousser et émerveiller celui qui prend le temps de les regarder.